Les destructions d'emplois salariés en France ont ralenti au dernier trimestre 2009, mais, sur l'ensemble de cette année de récession, l'hémorragie est restée d'une ampleur inédite depuis l'après-Guerre.
Au quatrième trimestre de l'an dernier, l'emploi salarié a reculé de 0,1% comparé aux trois mois précédents, avec 11.500 destructions nettes dans les secteurs concurrentiels et 20.400 dans les secteurs les plus sensibles à la conjoncture, selon les résultats révisés publiés jeudi.
La différence entre le nombre d'emplois créés et détruits, spectaculaire en début d'année, s'est atténuée en fin d'année sur fond de fragile reprise.
Sur l'ensemble de 2009, année de plus forte récession depuis l'après-Guerre, la France a enregistré 322.000 pertes nettes d'emplois dans le privé, environ trois fois plus qu'en 2008. Et dans les secteurs les plus sensibles à la conjoncture, l'année s'est soldée par 357.600 postes en moins.
Ces données révisées de l'Insee et du ministère de l'Emploi, plus favorables que les provisoires, intègrent les entreprises de moins de 10 salariés et des ajustements statistiques de début d'année.
"Les pertes nettes d'emplois sont bien supérieures à la récession du début des années 1990", selon le directeur des statistiques de Pôle emploi Bernard Ernst. Un tel volume en un an, "je crois que ça n'a jamais existé, sachant qu'avant-Guerre on n'a pas de statistique", a-t-il ajouté.
Il a cependant observé qu'il y a eu en 2009 "beaucoup moins de destructions d'emplois que prévu initialement par certains, en raison d'un effet surprise tel que certains employeurs n'ont pas eu le temps d'ajuster leurs effectifs (...) et de l'effet amortisseur du chômage partiel".
Depuis le brusque retournement du printemps 2008 après quatre ans de hausse de l'emploi, plus d'un demi-million de postes ont disparu sur fond de crise.
L'industrie, destructrice d'emplois depuis 2001, a connu une année noire malgré une baisse atténuée au dernier trimestre, tandis que la construction, où l'emploi croissait depuis plus de 10 ans, a subi une chute d'effectifs en 2009.
Les services, qui recouvrent aussi l'intérim même pour des missions dans l'industrie ou le BTP, ont subi des pertes massives, mais les effectifs y ont redémarré en cours d'année grâce à l'intérim.
Le premier touché au début de la crise, l'intérim a bien moins dégringolé en 2009. C'est le noyau dur de l'emploi, CDI et CDD, qui a été touché.
La ministre de l'Economie Christine Lagarde a noté "avec satisfaction", le "ralentissement important des destructions d'emploi à la fin de l'année 2009", jugeant que la "stabilisation en cours du marché du travail devrait se prolonger en 2010".
2010, où la croissance devrait être molle, devrait encore connaître des destructions d'emploi mais moins que 2009. Le délai minimum entre le retour de la croissance et la reprise de l'emploi est souvent estimé à trois trimestres.
Le gouvernement prévoit que les pertes nettes d'emplois atteindraient 71.000 globalement et 120.000 dans le seul secteur marchand. En 2010, "le premier semestre devrait être marqué par des pertes nettes et le second semestre amorcerait une reprise des créations d'emplois", selon M. Ernst.
Le redémarrage de l'intérim, souvent considéré comme un indicateur avancé du marché du travail, est perçu comme un signe encourageant par des experts, mais les entreprises ne recommenceront pas à embaucher durablement de sitôt.
"L'ajustement de l'emploi n'est pas achevé, notamment parce que les entreprises vont chercher à récupérer ce qu'elles ont perdu en productivité", selon Mathieu Plane, économiste à l'OFCE.