La griffe Alexander McQueen peut-elle survivre au décès de son créateur ? Dans le passé, d'autres maisons comme Dior, Chanel, Yves Saint Laurent ou Givenchy ont dû apprendre à vivre sans leur fondateur, qu'il soit décédé ou parti, avec des réussites diverses.
Le couturier britannique, 40 ans, de son son vrai nom Lee Alexander McQueen, s'est suicidé par pendaison le 11 février à son domicile londonien, a confirmé mercredi la justice britannique.
L'avenir de sa griffe sera évoqué jeudi lors de la présentation des résultats annuels de PPR, le groupe de luxe français qui contrôle Gucci Group, et dont la maison Alexander McQueen fait partie depuis 2001.
La griffe représente aujourd'hui 11 boutiques en propre, de New York à Londres, et 180 employés dans le monde. Selon le groupe, elle est devenue rentable en 2007 mais est beaucoup plus petite que les deux marques phares du groupe: Gucci et Yves Saint Laurent.
La question de la continuité, récurrente dans l'histoire de la mode, se pose d'autant plus, selon des spécialistes, que le créateur avait développé sa maison il y a une dizaine d'années seulement.
"Christian Dior est mort dix ans après la fondation de sa maison mais il avait, pendant cette courte période, construit un véritable empire et sa notoriété était mondiale", observe Serge Carreira, de l'Institut d'études politiques de Paris.
"Malgré sa notoriété, Alexander McQueen avait encore un statut de maison en devenir, ce qui rend la situation de sa maison plus fragile, plus difficile", note l'historienne de la mode Florence Muller.
Un professionnel souhaitant ne pas être nommé estime que pour perdurer, une griffe doit combiner "un héritage stylistique suffisamment précis comme Chanel avec son tailleur, ses perles et camélias, etc...et un héritage stylistique reconnaissable par les gens". Ce qui n'est pas complètement le cas de McQueen.
Pour Jane Rapley, directrice du Central Saint Martins College où McQueen a étudié, tout dépend aussi "de ce que la famille du couturier décidera, s'ils vendent leur part à Gucci". Autrement dit, s'ils veulent prendre ou pas de risque alors qu'avec "McQueen tout tournait autour de la prise de risque".
Plus généralement, il s'agira, selon elle, de savoir "quel espace Gucci Group donnera à un nouveau styliste pour exprimer sa propre identité" ou bien s'il "s'appuiera sur l'équipe du couturier disparu et concentrera ses efforts sur une marque plus populaire".
Mardi soir, Gucci Group a souligné le "talent fou" de l'équipe londonienne du couturier "dont Lee était extrêmement fier".
Dans le passé, Chanel a du "attendre l'arrivée de Karl Lagerlfeld en 1983 pour que la maison trouve un nouveau souffle", 12 ans après le décès de Coco, rappelle Serge Carreira. De même, l'arrivée de John Galliano a réveillé Dior, "endormi pendant 40 ans" après le départ d'Yves Saint Laurent, ajoute-t-il.
Plus récemment, Givenchy - où McQueen a oeuvré un temps -, Versace, Kenzo, Helmut Lang, Jil Sander sont autant de griffes qui ont du changer de créateurs. Sans parler de Gucci qui a rebondi grâce au styliste américain Tom Ford, mais dont le travail a moins séduit chez Saint Laurent.
Quand on achète du Gaultier, du Rykiel ou du McQueen, "on achète une part de l'univers et de la personnalité du créateur. Chez Dior, c'est la marque qui rime même avec un pur artiste comme John Galliano", dit encore Florence Muller.