Les artisans et commerçants ne pourront bientôt plus voir leur patrimoine personnel saisi et se retrouver ruinés en cas de faillite, a promis mercredi le gouvernement, en présentant un projet de loi qui veut aussi inciter à la création d'entreprises.
"C'est une nouvelle barrière à l'envie d'entreprendre qui tombe", a déclaré la ministre de l'Economie, Christine Lagarde.
Le projet de loi, annoncé début janvier par Nicolas Sarkozy, et présenté mercredi en conseil des ministres, instaure la création de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL).
Désormais, les entrepreneurs individuels (commerçant, artisan ou libéral) pourront affecter une partie de leur patrimoine à leur activité - par une déclaration auprès des chambres de commerce ou de métier - et protéger le reste de leurs biens.
En cas de faillite, leurs biens personnels ne pourront plus être saisis, comme c'est déjà le cas dans les sociétés (SA, SARL...).
Ils pourront aussi choisir d'être soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés.
"Le texte, innovant juridiquement, va permettre d'éviter que les entrepreneurs en nom propre puissent être ruinés en cas de faillite", a résumé Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé des PME.
Ils représentent aujourd'hui 1,5 million de chefs d'entreprise, soit près de la moitié des entreprises existantes en France.
L'an dernier, à cause de la crise notamment, les faillites d'entreprises ont atteint un nombre record (61.595). Or une faillite sur quatre était celle d'une entreprise individuelle, plus petite donc plus vulnérable.
Parce que les artisans pourront désormais "opter pour le statut d?entreprise individuelle sans pour autant risquer de mettre toute leur famille à la merci des créanciers", l'Union professionnelle artisanale (UPA) a salué une "réelle avancée".
Pour Edith Lenain, conjointe d'artisan charpentier et présidente de l'UPA des Pays de la Loire, le projet de loi pourrait ainsi éviter des drames personnels.
"J'ai connu une entreprise de deux salariés, spécialisée dans la charpenterie, contrainte de déposer le bilan après une faillite de son donneur d'ordre", raconte-t-elle.
"Après avoir licencié ses salariés, l'artisan a dû vendre sa maison; les biens de sa conjointe, qui avait touché un héritage, ont été saisis, et ça s'est terminé par un divorce".
En permettant à l'artisan ou au commerçant de "cantonner" les biens qu'il veut affecter à son entreprise, le projet de loi est aussi destiné à "encourager la prise de risque", a souligné Christine Lagarde.
L'an dernier, 580.193 entreprises ont été créées en France, soit une hausse de plus de 75% par rapport à 2008, selon l'Insee. Une accélération due au succès du nouveau statut de l'auto-entrepreneur, qui permet de développer une activité pour accroître ses revenus, avec des démarches simplifiées et un régime fiscal avantageux, et qui est aussi concerné par le projet de loi.
Une inquiétude perdure cependant: "Il faudra empêcher les établissements bancaires d?exiger une caution autre que celle relevant du patrimoine affecté à l?entreprise", prévient l'UPA.
Rien n'empêchera en effet les banques d'exiger une caution personnelle pour consentir un crédit à un entrepreneur individuel.
"Nous allons adosser un dispositif qui permettra à Oséo (la banque publique des PME, ndlr) ou la Siagi (société de caution de l'artisanat, ndlr) de venir garantir le soutien financier remplaçant la caution personnelle de l'entrepreneur individuel", a promis Hervé Novelli.