La Banque centrale européenne (BCE) va se montrer moins généreuse envers les banques alors que l'économie est en voie de reprise, a déclaré jeudi son président Jean-Claude Trichet, même si une remontée des taux d'intérêt n'est pas pour demain.
Alors que la Banque du Japon a récemment lancé de nouvelles mesures exceptionnelles pour soutenir l'économie, la BCE a commencé à rétrograder en annonçant la fin graduelle de plusieurs facilités de refinancement pour les banques, notamment les opérations sur un an.
"Cela ne doit pas être interprété" comme un tournant dans le cap de la politique monétaire, a expliqué le Français lors d'une conférence de presse.
Il s'agit de prendre acte d'une amélioration des marchés qui réduit la pertinence de certaines mesures exceptionnelles mises en place depuis la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers il y a un peu plus d'un an.
"Nous considérons que toute la constellation des taux est appropriée", a-t-il ajouté alors que le conseil des gouverneurs avait décidé plus tôt de garder le principal taux directeur au niveau historiquement bas de 1%.
"Nous sommes neutres", a-t-il martelé.
Mais après avoir inondé les marchés de liquidités pour soutenir l'économie, la BCE veut empêcher la constitution, par son aide, d'une nouvelle bulle spéculative portant en germe une autre crise. Mais elle doit procéder prudemment afin d'éviter de créer la panique chez les banques et encourager une pénurie du crédit, qui entraverait la relance.
"Nous voulons agir à la fois à temps et progressivement", a expliqué son président.
Les annonces de ce jeudi marquent toutefois un tournant. "Le message aux banques est clair comme de l'eau de roche: faites votre devoir, l'approvisionnement bon marché va arriver à son terme", a réagi Carsten Brzeski, économiste chez ING.
Parallèlement, la croissance s'annonce laborieuse. La BCE a certes relevé nettement sa prévision pour 2010, à 0,8% contre 0,2% il y a trois mois. Mais sa première estimation pour 2011, d'une hausse en moyenne de 1,2% du Produit intérieur brut (PIB), montre qu'elle s'attend à une reprise très modeste de l'économie sur les deux ans à venir.
Pour cette année, elle prévoit une récession de 4%.
Si l'économie de la zone euro est sortie de la récession au troisième trimestre, force est de constater que "certains facteurs soutenant la reprise actuellement sont de nature temporaires", a souligné M. Trichet, en référence aux plans de soutien des gouvernements et de la Banque centrale.
Le processus de reprise s'annonce "inégal" et soumis à "des incertitudes élevées". Les marchés restent par ailleurs nerveux, comme le prouve leur plongeon la semaine dernière après la révélation de problèmes de solvabilité à Dubaï, un événement au fond "relativement modeste", selon lui.
Côté inflation, la BCE mise dorénavant sur des hausses des prix de 0,3% en 2009, de 1,3% en 2010 et de 1,4% en 2011, inférieures donc à son seuil de tolérance d'une inflation légèrement sous les 2% à moyen terme.
Cette croissance faible sans inflation laisserait à la BCE suffisamment de marge pour attendre jusqu'à 2011 avant de relever ses taux directeurs, estime Nick Kounis de la banque Fortis.
Mais elle fera sans doute le premier geste à l'automne 2010, estime-t-il, comme le plus gros de ses confrères.
La BCE sera sans doute "mal à l'aise" à l'idée de garder des taux aussi bas trop longtemps, argumente l'analyste, rappelant que la crise du crédit, enclenchée en août 2007 après l'effondrement des crédits immobiliers à risques aux Etats-Unis ("subprime"), a largement été alimentée par des politiques monétaires trop laxistes.