
Les 48.000 salariés de Pôle emploi, issus de l'ANPE et des Assedic, élisent pour la première fois à partir de lundi leurs représentants, sur fond de mécontentement sur les conditions de travail et de réception des chômeurs, et sur les dysfonctionnements engendrés par la fusion.
Soumis à forte pression par l'explosion des demandeurs d'emploi inscrits depuis l'été 2008 (plus de 4 millions en septembre toutes catégories confondues), le personnel a commencé à voter lundi en Ile-de-France et dans le Nord-Pas-de-Calais.
Le scrutin, à l'issue imprévisible car premier du genre, s'étalera jusqu'en décembre. "Un premier profil des rapports de forces", selon un syndicaliste, émergera vendredi quand la moitié environ des salariés et une quinzaine de régions auront voté, trois semaines après une grève suivie.
La forte participation attendue - autour de 70% selon les syndicats - devrait éviter un second tour.
La région Provence-Alpes-Côte d'Azur votera en dernier.
Le scrutin se fera aussi en différé à La Réunion où une majorité d'agences étaient fermées en raison d'une grève dure, entrée lundi dans sa deuxième semaine.
Promulguée début 2008, la création de Pôle emploi, "plus grande réforme du service public des 30 dernières années" selon le gouvernement, a pour but de simplifier et personnaliser les démarches des demandeurs d'emploi avec un guichet unique pour l'indemnisation et l'accompagnement.
Mais, sur le terrain, Pôle emploi est encore loin de tenir toutes ses promesses, notamment d'affecter davantage d'agents au contact du public.
Les bugs de la fusion sont dénoncés par l'ensemble des syndicats, des modérés aux plus critiques: systèmes informatiques ne communiquant pas, pas de bureaux pour tous, des sites mixtes mais pas unifiés obligeant à d'incessants déplacements, des formations trop courtes pour devenir polyvalents.
Malgré une volonté désormais affichée par la direction de prendre en compte le stress et la perte de repères engendrée par la fusion, "il y a un mécontentement général", observe Dominique Nuges (Unsa). "La question est de savoir s'il va s'exprimer contre les syndicats qui ont accompagné la fusion, et donc pour les plus radicaux", ajoute-t-il.
Les poids-lourds comme le Snu-FSU (premier syndicat de l'ANPE), FO (deuxième à l'ANPE et deuxième aux Assedic), la CGT (troisième dans les deux établissements) et la CFDT (deuxième aux Assedic, mais minoritaire à l'ANPE) partent favoris.
En application des nouvelles règles de représentativité syndicale, la direction pourrait perdre comme interlocuteurs l'Unsa, la CFTC, le Snap (ex-CFTC) et dans certains cas la CFE-CGC s'ils ratent la barre de 10%.
Sud Emploi, inégalement implanté, devrait aussi rester hors jeu.
Les dernières élections, en 2007 aux Assedic et en 2008 à l'ANPE, avaient suscité une participation élevée, avoisinant respectivement 80% et 60%.
Une majorité du personnel, environ 30.000, est issu de l'ANPE.
Autre inconnue du scrutin, l'impact des guerres intestines qui ont agité la CGT, FO et la CFTC entre les ex-ANPE et les ex-Assedic.
"Ce sont des élections un peu compliquées dans un contexte où la fusion est très mal vécue et a été très mal préparée. Pôle emploi navigue encore à vue dans certains domaines, comme on l'a encore vu lors de la négociation de la future convention collective", a jugé lundi Loïc Barboux (FO).
Les syndicats ont jusqu'au 20 novembre pour avaliser la nouvelle convention collective, qui modifie et régit notamment les rémunérations, le temps de travail et l'affiliation à la retraite. Elle incite les ex-agents de l'ANPE à renoncer à leur statut public, avec une augmentation de deux mois et demi de salaire à la clé.