Londres a appelé samedi à la mise en place d'un "contrat social" entre les banques et les contribuables qui les ont aidées pendant la crise, envisageant explicitement parmi les moyens d'y parvenir l'instauration d'une taxe de type "Tobin".
En visite surprise à Saint Andrews, en Ecosse, où étaient rassemblés les ministres des Finances et banquiers centraux du G20, le Premier ministre britannique Gordon Brown a donné une tonalité morale à la réunion.
Il a demandé que "les marchés financiers mondiaux soient mieux alignés sur les valeurs du plus grand nombre : travail, responsabilité, intégrité et justice" et suggéré la discussion "d'un contrat social et économique qui reflète mieux la responsabilité mondiale des institutions financières envers la société".
L'idée de voir les banques contribuer elles-mêmes dorénavant au "fardeau" de leur sauvetage a été énoncée au G20 des chefs d'Etat de Pittsburgh, en septembre. Le Fonds monétaire international (FMI) a été chargé de "préparer un rapport" sur les façons manières d'y parvenir.
M. Brown a évoqué les options samedi : entre autres, une "prime d'assurance reflétant le risque systémique" ou une "taxe sur les transactions financières internationales".
L'instauration de cette dernière apparaîtrait révolutionnaire. Elle s'apparenterait à la taxe proposée dans les années 70 par l'économiste James Tobin pour ralentir la volatilité sur le marché des changes, prônée ensuite par le mouvement altermondialiste, mais qui n'a jamais vu le jour en raison de difficultés techniques supposées.
Le thème en revient de temps en temps. L'ancien président Jacques Chirac, qui en approuvait le principe, a lancé une taxe sur les billets d'avion, appliquée dans une trentaine de pays, qui a permis de récolter en deux ans un milliard de dollars destinés à acheter des médicaments pour les pays pauvres.
En août, le propre patron de l'Autorité britannique des services financiers (FSA), Adair Turner, a suggéré "une taxe Tobin" pour "faire cesser les rémunérations excessives dans un secteur financier hypertrophié" et en partie "socialement inutile".
L'ONG Oxfam a sauté de joie après le discours de M. Brown. "Les banques vont peut-être bientôt passer à la caisse" pour "réparer les dégâts causés par leur cupidité", a déclaré Max Lawson, un responsable de l'association, qui y a vu la possibilité d'une manne annuelle de 690 milliards de dollars pour les plus pauvres.
Enthousiasme prématuré. Le sujet "n'a pas été du tout discuté" au G20, ont indiqué le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet et le secrétaire américain au Trésor, Tim Geithner.
L'agitation suscitée par le discours de M. Brown a contraint le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn à donner des explications. La piste qui a la préférence du FMI est en fait celle de la prime d'assurance, car une taxe Tobin est "très difficile, en fait impossible", à appliquer selon lui.
Le FMI envisage un système où les banques les plus régulées paieraient moins, et les moins régulées, comme les banques américaines, paieraient davantage.
M. Strauss-Kahn a indiqué que "l'argent de cette prime serait accumulé", non pas à destination des pays pauvres mais pour "qu'en cas de nouvelle crise, (on ne soit pas) obligé de faire appel à l'argent des contribuables". Mais il a noté qu'on est encore "loin du compte" en termes de consensus.
La ministre française Christine Lagarde, qui trouve pour sa part la suggestion "très bonne", comme l'Allemagne ou la Suède, a souligné que "certaines idées doivent faire leur chemin" avant de convaincre, et que "la consultation était à peine ouverte".