La Banque centrale européenne s'est montrée jeudi un brin plus optimiste pour la reprise économique en zone euro, mais plus inquiète pour les politiques budgétaires de ses Etats membres, les appelant à la sagesse en matière de baisses d'impôts.
Le conseil de gouverneurs a décidé à l'unanimité de conserver le principal taux directeur -baromètre du crédit dans les seize pays de l'euro- à 1%, son plus bas niveau depuis la création de la BCE il y a onze ans.
Aucun danger d'inflation ne menace et la reprise, même si elle paraît se confirmer dans les récentes statistiques, reste entourée d'"incertitudes élevées", a déclaré son président Jean-Claude Trichet lors d'une conférence de presse.
"Le niveau des taux est approprié", a-t-il redit, suggérant la poursuite d'un statu quo monétaire en zone euro pendant de longs mois, comme l'avait fait la veille la Réserve fédéral américaine.
Les gardiens de l'euro s'inquiètent de la solidité de la relance, portée à bout de bras par les plans de soutien budgétaires. En outre, la force de l'euro, préjudiciable aux exportateurs européens, et la faiblesse du crédit risquent de freiner la conjoncture dans son élan.
"Nous avons un chemin cahoteux devant nous", a jugé le Français. "Nous avons noté quelques améliorations", a-t-il toutefois souligné, alors qu'il parlait il y a un mois de "stabilisation" de l'économie. C'est bien le seul changement de son discours, qui pourrait préparer les marchés à un relèvement des prévisions économiques de l'institution en décembre, selon des économistes.
Quand il n'y a rien ou presque rien à dire sur la politique monétaire, "les banquiers centraux aiment se consacrer à leur réel passe-temps: les politiques budgétaires", commente Carsten Brzeski de la banque ING.
Et le ton du président de la BCE à ce sujet est monté d'un cran jeudi.
Il a exhorté les gouvernements à "communiquer" et quand le temps sera venu à appliquer progressivement "des stratégies de consolidation budgétaire ambitieuses basées sur des prévisions de croissance réalistes, et centrées sur des réformes en matière de dépenses".
Faute de stratégies de sorties crédibles, les gouvernements risquent de miner la "confiance dans la viabilité des finances publiques et de la reprise économique", a-t-il insisté.
Les pays européens ont récemment convenu d'entamer l'assainissement de leurs finances au plus tard en 2011. Mais parallèlement, le nouveau gouvernement de centre-droit en Allemagne -première économie européenne- a annoncé un plan massif de réduction d'impôt qui commencera à prendre son plein effet .. la même année.
"Les baisses d'impôts devraient être seulement envisagées sur le moyen terme, quand les pays auront regagné suffisamment de marge de manoeuvre budgétaire", a déclaré Jean-Claude Trichet, soulignant que sa remarque s'adressait à "l'ensemble des pays de la zone euro".
Evoquant le retrait des mesures exceptionnelles de soutien au crédit mises en place cette fois par l'institution de Francfort (ouest), il a donné "rendez-vous" en décembre pour plus de détails mais a redit que le processus d'absorption des liquidités serait progressif. Dans un premier temps, le dispositif de mesures pourrait être allégé étant donné l'embellie observée sur les marchés financiers.
Ces derniers prévoient d'ailleurs que la prochaine opération de refinancement sur un an, l'une des mesures les plus spectaculaires de la BCE pour alimenter les banques en liquidités bon marché, sera la dernière. "Je ne dirai rien de nature à dissiper ce sentiment (...)", a dit le Français.