Le nombre de chômeurs va augmenter en Allemagne mais l'explosion annoncée n'aura pas lieu, grâce à une reprise économique plus rapide que prévu mais aussi à une astuce statistique, ont prédit jeudi les grands instituts de conjoncture.
Les instituts, qui publient deux fois par an un rapport très suivi, avaient annoncé au printemps une récession de 6% cette année et voyaient encore un recul du Produit intérieur brut l'an prochain de 0,5%.
Désormais, ils attendent une récession toujours historique mais un peu plus faible de 5% en 2009, et surtout un retour à une croissance de 1,2% en 2010.
Par conséquent, ces experts se montrent aussi beaucoup moins pessimistes pour l'emploi. Ils annonçaient fin avril une moyenne d'un peu moins de 5 millions de chômeurs l'an prochain dans la première économie européenne, mais ont abaissé leur prévision à 4,1 millions.
Le nombre de sans-emploi va donc augmenter - il était de 3,3 millions en septembre - mais sans exploser, une bonne nouvelle pour la chancelière Angela Merkel, occupée à monter un nouveau gouvernement avec la majorité conservatrice et libérale issue des élections du 27 septembre dernier.
"La reprise prend forme", a commenté dans un communiqué l'actuel ministre de l'Economie Karl-Theodor zu Guttenberg. "Il est particulièrement positif que l'impact sur le marché du travail soit limité grâce au chômage partiel, à une politique salariale raisonnable et à la volonté de beaucoup d'entreprises de garder leurs salariés", s'est-il félicité.
"Les prévisions horribles du début d'année n'ont plus cours, et la première raison c'est que la conjoncture se stabilise plus vite que prévu", explique à l'AFP un porte-parole de la Fondation Hans Böckler, institut spécialisé dans la recherche sur le travail.
L'autre raison de ce regain d'optimisme pour le chômage n'a rien à voir avec la santé de la première économie européenne, mais avec une astuce statistique.
Berlin a retiré en mai des statistiques du chômage les personnes prises en charge non par l'Agence publique pour l'emploi mais par des agences privées. Les comptabiliser alourdirait de 200.000 le nombre de chômeurs l'an prochain.
Les instituts soulignent par ailleurs que l'Allemagne souffre depuis des années d'une pénurie de main d'oeuvre qualifiée. Or un marché de l'emploi en situation de pénurie est moins sensible au chômage qu'un marché où la main d'oeuvre est abondante.
Une autre explication pour expliquer la "surprenante stabilité" de l'emploi en Allemagne est démographique. Vieillissement oblige, la population active allemande se tarit, ce qui signifie que le nombre de personnes en quête d'emploi va diminuer, de 140.000 au moins l'an prochain.
Par ailleurs "la tendance de long terme est à la réduction du temps de travail" et à la multiplication des postes à temps partiel, souligne le porte-parole de la Fondation Hans Böckler. En clair: les Allemands vont trouver des emplois, mais devront se résoudre à travailler moins, ce qui a un effet positif sur les statistiques.
Le porte-parole met toutefois en garde contre trop d'optimisme: "il y aura un coup dur pour l'emploi cet hiver", et une vague de licenciements en Allemagne est à prévoir.
Elle devrait concerner en particulier les nombreuses entreprises qui ont eu recours au chômage partiel ces derniers mois.
Les instituts prévoient que 600.000 personnes devraient encore bénéficier de ce filet de sécurité l'an prochain, contre 1,2 million cette année.