L'Allemagne est venue mardi apporter une note discordante au concert de louanges adressées au Fonds monétaire international, lors de l'ouverture de son assemblée annuelle à Istanbul, en remettant en cause les ambitions de son directeur général Dominique Strauss-Kahn.
Dans le consensus qui se dégageait pour faire du FMI l'organe central de surveillance de l'économie mondiale et le sauveur des pays en difficulté, Berlin a affiché son désaccord.
"Nous ne sommes pas convaincus que le FMI doive prendre à sa charge une fonction d'assurance généralisée pour les obligations financières du secteur public", a expliqué le pays, dans un discours écrit par le président de la banque centrale Axel Weber, et prononcé par un représentant allemand au FMI.
Cette prise de position vient radicalement contredire l'ambition du directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn de faire du Fonds un "prêteur en dernier ressort" aux Etats en difficulté.
"Les propositions d'étendre les activités de prêt du Fonds pour inclure un soutien budgétaire direct soulèvent des questions pour savoir si cela est conforme au mandat du FMI", a expliqué l'Allemagne.
Une autre ambition de l'ancien ministre français des Finances est de pérenniser les ressources exceptionnelles mises à disposition du Fonds par ses Etats membres, soit 500 milliards de dollars qui ne lui seront que prêtés.
Cette hausse des ressources "doit être considérée comme une mesure provisoire, prise en réaction face aux développements extraordinaires dans l'économie mondiale", a expliqué M. Weber, qui craint que le FMI "soit tenté de rechercher des activités au-delà de sa mission monétaire originale".
L'Allemagne n'a pourtant pas rechigné à apporter sa contribution.
Parmi les plus de 500 milliards de dollars promis par les Etats membres du FMI, effort auquel l'Union européenne veut participer à hauteur de 125 milliards d'euros, elle a été parmi les premiers à passer aux actes, signant le sixième accord de prêt du FMI, pour lui prêter à ce jour 15 milliards d'euros.
Le montant représente un cinquième de la première promesse de l'UE (75 milliards), conformément à son poids dans l'économie des 27.
L'opposition de Berlin ne devrait cependant pas bloquer le processus de réforme du rôle du FMI. La position allemande est restée isolée, les autres grands Etats membres s'exprimant mardi ayant tous salué l'élargissement de sa mission.
Le gouverneur allemand dispose de 5,88% des droits de vote au conseil d'administration du Fonds, où une majorité de 85% est nécessaire.
Le chef de la Bundesbank, connu pour son orthodoxie sur les questions de politique monétaire, est allé plus loin.
Après la distribution par le FMI en août et septembre de 283 milliards de dollars à ses 186 Etats membres sous forme de Droits de tirage spéciaux (DTS, la monnaie du FMI) servant de réserves en devise, il a demandé que cette décision soit "réexaminée une fois que le système financier mondial se sera pleinement rétabli".
Le FMI considère pour sa part que la taille infime de ces 283 milliards de dollars dans la masse monétaire mondiale n'induit aucun risque de déstabilisation, en particulier d'inflation. Et l'idée de revenir sur une allocation de DTS n'est pas prévue dans ses statuts.
A la Banque mondiale, dont c'est aussi l'assemblée annuelle, l'Allemagne n'est pas seule à formuler des critiques. Alors que l'institution multilatérale de développement réclame une augmentation de capital, plusieurs de ses Etats membres, les Etats-Unis en tête, ont demandé qu'elle l'utilise d'abord pour les plus pauvres, ou qu'elle se réforme en profondeur.
"La Banque mondiale va améliorer sa légitimité, son efficacité et sa transparence", a promis mardi son président Robert Zoellick.