Le patron du géant France Télécom Didier Lombard a reçu jeudi l'appui du gouvernement, après avoir été à nouveau invité à s'expliquer sur son "plan" pour résoudre la crise profonde qui règne au sein l'opérateur téléphonique, dont 24 salariés se sont suicidés en 19 mois.
La pression s'est encore accentuée sur la direction de France Télécom -- premier fournisseur d'accès à internet et troisième opérateur mobile européen -- avec le suicide lundi d'un nouvel employé.
Les organisations syndicales ont d'ailleurs appelé à des débrayages jeudi, au moment de l'inhumation de Jean-Paul X, 51 ans, qui s'est jeté d'un viaduc autoroutier après avoir écrit une lettre dénonçant le climat au sein de l'entreprise.
Les syndicats ont également appelé à deux journées d'actions, les 6 et 7 octobre.
Après avoir reçu M. Lombard jeudi matin, la ministre de l'Economie Christine Lagarde lui a renouvelé "sa pleine et entière confiance pour faire traverser à l'entreprise cette période difficile et douloureuse".
L'Etat est le principal actionnaire de France Télécom, avec environ 26% du capital.
La ministre l'avait convoqué pour "savoir de quelle façon il va remonter le courant, redonner confiance aux salariés et vraiment prendre à bras le corps ces problèmes (...) humains à dimension très grave".
Le ministre de l'Industrie Christian Estrosi a pour sa part souligné jeudi que la direction de France Télécom était "sans doute un peu comptable de ce qui se passe" dans le cadre d'une "modernisation à marche forcée".
A la mi-septembre, après le 23e suicide -défenestration d'une employée de 32 ans- Didier Lombard avait déjà été convoqué par le ministre du Travail Xavier Darcos, qui lui avait demandé des mesures. M. Lombard avait alors promis "d'arrêter cette espèce de spirale infernale".
Lors de son entretien avec Mme Lagarde, le PDG de France Télécom, confronté à des appels à la démission par les partis de gauche, a détaillé les "renforcements du plan d'action" présenté la veille aux syndicats.
Il porte sur trois axes principaux, selon le ministère de l'Economie. "Intensification du dispositif mis en place pour prévenir tout nouveau suicide", avec une cellule d'accueil téléphonique et une équipe renforcée de psychologues.
"Accompagnement des familles" touchées par les drames de ces derniers mois avec un "dispositif de soutien psychologique et matériel complet".
Enfin, M. Lombard a précisé "le processus collectif, ouvert et transparent selon lequel sera élaboré le nouveau contrat social chez France Télécom, annoncé le 15 septembre dernier".
Le patron de France Télécom avait déjà annoncé le gel des restructurations jusqu'au 31 octobre.
Mais les syndicats réclament que ce gel s'étale sur toute la durée des discussions en cours, qui doivent s'achever la fin de l'année.
Ces suicides en série mettent sur la sellette les méthodes de management du géant des télécoms pour adapter un ancien monopole public, encore composé de 65% de fonctionnaires, au nouveau monde ultra-concurrentiel de la téléphonie et de l'internet.
Contrôle très serré des salariés, notamment des temps de pause, pression insupportable pour gagner en productivité, déshumanisation des relations au sein de l'entreprise, les témoignages des salariés de France Télécom, largement diffusés par les médias français, traduisent un profond malaise.
Edith Guazzoni, 53 ans, a raconté à l'AFP "l'enfer" qu'elle a vécu après avoir été mutée des ressources humaines à un service technique, aux antipodes de son métier de base. "Je me suis sentie cassée, incompétente, inutile", a-t-elle raconté.