
La "grève du lait" des éleveurs pour protester contre l'effondrement des prix se poursuivait lundi un peu partout en France, avec un boycott des livraisons aux industriels, des blocages d'usines et des distributions gratuites dont l'impact était difficile à évaluer.
La participation au mouvement initié jeudi au niveau européen, très variable d'un bassin laitier à l'autre, fait l'objet d'une guerre des chiffres entre pro et anti-grévistes.
Selon l'Organisation des producteurs de lait (OPL), qui soutient le mouvement, le taux de grévistes atteignait lundi 40% en moyenne au niveau national.
"En Europe également le mouvement est lancé avec déjà des actions spectaculaires des éleveurs belges qui ont par exemple jeté plusieurs citernes du haut d'un pont autoroutier", s'est félicité l'OPL.
Mais, selon la Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL), branche laitière de la FNSEA hostile au mouvement, le taux de grévistes ne dépassait pas 7% en moyenne.

Dans le Grand Ouest, principale région laitière, la participation était particulièrement importante dans le Calvados et le Centre-Bretagne, affirment les syndicats, mais des sources industrielles ont décrit un impact "très faible". Le premier groupe laitier français, Lactalis, a annoncé une baisse de sa collecte limitée à "4-5%".
Plusieurs grévistes font cependant état de "pressions" des industriels. Lactalis ferait notamment courir, selon eux, des rumeurs de poursuites judiciaires pour rupture de contrat afin d'intimider les éleveurs.
Un peu partout, les actions se multipliaient pourtant.
Dans la Haute-Saône, un blocage de l'usine Eurosérum, filiale du groupe Entremont Alliance, était organisé à Port-sur-Saône par les exploitants laitiers de la Confédération paysanne.
Dans l'Aveyron, une tour de séchage, qui sert à fabriquer la poudre de lait, a été occupée, alors qu'une usine similaire était bloquée à Saint-Hilaire-de-Briouze, près d'Argentan (Orne).
Plusieurs centaines de litres de lait ont été distribués sur le marché de La Mure (Isère), tandis que dans le Bas-Rhin, plusieurs agriculteurs ont déversé leur production dans les fosses à lisier.

Une source industrielle évoquait une "mobilisation en peau de léopard, avec des zones de mobilisation très ciblées".
Dans le Sud-Ouest, le taux de grévistes atteignait "80 à 90%" dans les Pyrénées-Atlantiques, notamment au pays Basque, a affirmé un délégué de l'Association des producteurs de lait indépendants (Apli).
Dans le Nord/Pas-de-Calais, la "grève du lait" était suivie par 25% à 30% des producteurs, toujours selon l'Apli. "Le mouvement est bien suivi, les consciences commencent à se réveiller", a déclaré Karol Bulcke, délégué Apli du Nord.
"J'entends parler de 30% de participation, pour moi c'est de l'intox. Autour de moi, il n'y a aucun producteur qui fait grève", assure pourtant Philippe Cartieaux, le président des producteurs de lait du Nord, affilié à la FNPL. Cette organisation insistait sur la mobilisation "proche de zéro" dans l'Est, selon elle.
Les grévistes ont reçu lundi des soutiens politiques. L'eurodéputé vert José Bové a annoncé qu'il avait entamé un "jeûne de solidarité (...) en soutien aux producteurs menacés de faillite". La présidente socialiste de Poitou-Charente, Ségolène Royal, a réclamé au ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire "des actions immédiates" pour assurer un "prix rémunérateur" aux éleveurs.