La Banque centrale européenne juge "prématuré" de proclamer la fin de la crise, mais n'en est pas moins prête à retirer à tout moment ses mesures de soutien à l'économie en cas de risque de retour de l'inflation, ont déclaré vendredi ses responsables.
"Il serait prématuré de déclarer la crise terminé. Il n'est pas encore temps de sortir", c'est à dire lever les mesures exceptionnelles de soutien aux crédits et à l'économie, a déclaré le président de l'institution Jean-Claude Trichet lors d'un colloque rassemblant analystes et journalistes à Francfort (ouest de l'Allemagne).
Mais cela n'empèche pas d'y réfléchir sérieusement, a déclaré en écho Axel Weber, président de la Bundesbank, lors d'une conférence à Berlin. "Des stratégies de sortie crédibles seront nécessaires au bon moment dans le monde entier", a-t-il dit.
La BCE est d'ores et déjà fin prête. "J'aimerais clairement dire que la BCE a une stratégie de sortie de crise et que nous sommes prêts à la mettre en oeuvre quand le temps sera approprié", a fait savoir Jean-Claude Trichet.
Le débat sur les sorties de crise enfle alors que l'économie en zone euro et ailleurs montre des signes de stabilisation annonciateur d'une reprise.
"Actuellement, le besoin d'un soutien aux crédits demeure", a déclaré le Français, alors que les banques restent réticentes à prêter, ce qui alimente les craintes d'une pénurie du crédit propre à tuer la reprise dans l'oeuf.
Pour le moment, la BCE ne va donc rien changer à son dispositif. Les banques pourront continuer à s'alimenter en liquidités pour des montant illimités et au taux avantageux de 1% - niveau du principal taux directeur - et les achats d'obligations vont se poursuivre comme prévu.
Toute la difficulté sera de trouver le bon timing pour inverser la vapeur. Si la BCE agit trop tôt, elle prend le risque d'étrangler la relance. Mais si elle bouge trop tard, c'est une surchauffe inflationniste qui menace, étant donné la masse des liquidités injectées sur les marchés.
Les économistes et les marchés s'attendent à une remontée des taux après la deuxième moitié de l'an prochain, à un moment où le chômage sera en pleine progression. La BCE risque alors de s'attirer les foudres des pouvoirs politiques.
A Berlin, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a d'ailleurs engagé les gouvernements à "formuler" également des stratégies claires de sortie de crise pour ne pas saper la confiance et par ricochet la reprise qui se profile.
L'un des grands enjeux consiste à savoir comment les gouvernements vont réduire leur endettement, qui a explosé sous l'effet des plans de relance économique, a indiqué le chef économiste de la BCE Jürgen Stark à des journalistes en marge du colloque.
"Dès qu'apparaîtront des risques pour la stabilité des prix dans un contexte d'amélioration de l'environnement économique, il sera temps de retirer le soutien de la politique" monétaire, et ce en toute indépendance des pouvoirs politiques, a-t-il indiqué.
La tâche s'annonce ardue. Identifier les tournants conjoncturels est "en général très difficile, mais c'est encore plus exigeant actuellement étant donné les incertitudes croissantes concernant le caractère durable de la reprise économique", a expliqué l'Allemand.
Selon Jean-Claude Trichet, les outils à disposition de la BCE lui permettent d'agir rapidement si nécessaire et surtout d'être flexible. Ainsi la BCE pourrait tout à fait remonter ses taux directeurs tout en maintenant certaines mesures exceptionnelles de soutien aux banques, si besoin.