Pressées de s'attaquer aux dérives des marchés financiers à l'origine de la crise, les autorités américaines songent à interdire les transactions éclairs ("flash trading"), méthode de spéculation utilisant des ordinateurs ultra-rapides et accusée de favoriser les puissants.
La technique, utilisée notamment sur la Bourse électronique du Nasdaq, donne à certains courtiers, moyennant des frais, accès aux ordres d'achats ou de ventes d'actions quelques millisecondes avant les autres investisseurs.
Ces informations, reçues et traitées par des serveurs informatiques très puissants, permettent à l'aide de programmes sophistiqués de passer rapidement des ordres qui anticipent ainsi les mouvements d'un titre, et permettent d'en tirer un profit accru.
Autrement dit, un investisseur grille la politesse à un autre grâce à la technologie.
Justin Schack, le vice-président de la maison de courtage new-yorkaise Rosenblatt Securities, a estimé dans le Financial Times que la pratique avait représenté 2,4% des échanges de titres en juin aux Etats-Unis.
L'influent sénateur démocrate Charles Schumer a pris la tête de la fronde contre le "flash trading", qu'il accuse de créer un système à deux vitesses entre investisseurs institutionnels dotés des outils nécessaires à son application et les petits porteurs.
Il a expressément demandé au gendarme boursier américain, la SEC, d'interdire purement et simplement la technique, menaçant de déposer une loi sur la question faute d'action des régulateurs.
La présidente de la SEC Mary Schapiro s'est dit "inquiète".
"Depuis que cette étude a été menée, j'ai demandé à mes équipes d'élaborer une approche qui pourrait être mise en oeuvre rapidement pour supprimer l'inégalité qui résulte des ordres +éclairs+", a-t-elle déclaré.
Face à la pression montante, la Bourse électronique Nasdaq a annoncé jeudi qu'elle allait suspendre "volontairement" ce type de transactions à partir du 1er septembre, suivie quelques minutes plus tard par le BATS Exchange, troisième opérateur aux Etats-Unis.
La première place boursière du pays, le groupe NYSE Euronext, n'autorise pas cette pratique et l'a décriée, son PDG, Duncan Niederauer, la qualifiant de "pas de géant en arrière". "Cela incline le terrain de jeu vers un groupe limité de participants", a-t-il estimé fin juillet.
Si le sort du "flash trading" semble scellé, la polémique a mis en relief la place que prennent l'informatique et la technologie dans le fonctionnement des marchés financiers, mais aussi leur opacité grandissante.
Les transactions effectuées par des ordinateurs perfectionnés donnant des ordres à la milliseconde ("high frequency trading") comptent selon les estimations entre la moitié et les deux tiers des volumes d'échanges sur les marchés américains.
Pour ses partisans, il rend les échanges plus efficaces, dans un milieu du courtage très concurrentiel, et favorise la liquidité du marché.
Le prix Nobel d'Economie Paul Krugman s'est ému récemment de la montée en puissance de ces méthodes de spéculations basées sur la technologie.
"C'est une sorte de taxe pour les investisseurs qui n'ont pas accès à ces ordinateurs super rapides", a-t-il estimé dans une chronique dans le New York Times.
"La Bourse est censée allouer le capital aux utilisations les plus productives, comme par exemple aider les sociétés qui ont de bonnes idées à lever des fonds", a-t-il expliqué. "Mais il est difficile d'imaginer comment les courtiers qui donnent leurs ordres un trentième de seconde plus vite que les autres contribuent à l'amélioration de cette fonction sociale."