Voici des réactions d'économistes après l'annonce jeudi d'une baisse des prix à la consommation en France de 0,5% en juin sur un an et d'une hausse de 0,1% sur un mois:
- Nicolas Bouzou (Asteres):
Il serait prématuré de parler de déflation. Certes, sur un an, l'évolution des prix est fortement négative (-0,5%). Ce qui pourrait faire craindre un enchaînement déflationniste classique du type baisse de la demande baisse des prix - hausse des taux d'intérêt réels - désendettement - baisse de la demande baisse des prix. Toutefois, même si ce risque ne peut être définitivement exclu, nous n'en sommes pas encore là.
Déjà, il faut se souvenir que les chiffres de juin 2009 sont pénalisés par un effet de base défavorable. C'est en juin et juillet 2008, il y a tout juste un an, que l'inflation avait touché un point haut, à 3,6%. Ensuite, sur 1 mois, les prix sont quasiment stables (+0,1%), alors même que le début de la période des soldes a tiré vers le bas les prix de l'habillement-chaussures.
Enfin, on voit bien que les pressions déflationnistes sont cantonnées aux produits directement liés aux matières premières. Ainsi, sur 1 an, l'énergie perd 17,4% (et les seuls produits pétroliers 26,1%). Plus nouveau, les prix de l'alimentation sont enfin en recul (de -0,4%) en raison de la chute du prix des produits frais (-9,2%). D'ailleurs, l'inflation sous-jacente reste à peu près stable en tendance, à 1,5%. On voit donc bien que l'ampleur des politiques économiques menées depuis septembre 2008 (politique monétaire agressive, y compris dans la zone euro, et politiques budgétaires expansionnistes) ont permis d'éviter d'entrer de plein pied dans la déflation.
A la limite, ces baisses de prix ont même un impact positif sur le pouvoir d'achat, lequel devrait finalement être stable cette année en France. En outre, elles bénéficient plutôt aux ménages à faibles revenus (ceux pour lesquels la part de l'alimentation et de l'énergie est la plus élevée), qui ont aussi la propension à consommer la plus forte. Bref, il n'y a pas lieu de paniquer devant ces chiffres qui, en raison des effets de base, devraient même repasser en territoire positif d'ici la fin de l'année.
- Alexander Law (Xerfi):
Bien entendu, le chiffre qui va retenir l'attention c'est la baisse des prix à la consommation de 0,5% en juin 2009 par rapport à juin 2008. Forcément, c'est une bonne nouvelle d'un point de vue macroéconomique, car cela dopera mécaniquement un pouvoir d'achat mis à mal par la situation déplorable sur le marché du travail. Mais pour le reste, ce chiffre de -0,5% est anecdotique.
Anecdotique d'abord parce que les ménages - et ce sont bien eux les premiers
concernés - ne se réfèrent pas aux prix de l'année précédente au moment
d'effectuer leurs choix de consommation. Ce qui est ressenti par les Français, ce sont les mouvements mensuels de l'inflation, notamment pour les achats récurrents comme les produits alimentaires ou les carburants. Or, d'un mois sur l'autre, l'indice des prix à la consommation a augmenté d'un dixième de point. C'est peu, certes, mais cela reste de l'inflation.
Anecdotique ensuite parce ce chiffre n'augure pas (en tout cas pour l'instant) de l'entrée de la France dans une spirale déflationniste. L'indice sous-jacent (hors éléments volatils, et qui révèle les caractéristiques intrinsèques des pressions inflationnistes dans l'Hexagone) reste confortablement niché à +1,5% sur un an. Pour l'instant, la consommation résiste tant bien que mal et les salaires ne reculent pas, c'est déjà une sacrée bonne nouvelle.
Anecdotique enfin parce que la baisse des prix à la consommation sur un an est liée tout naturellement à la modération des cours des matières premières industrielles et agricoles par rapport à la période correspondante de l'année passée. Et l'on sait bien que la situation va s'inverser dès la fin de l'été : l'indice global redeviendra donc positif en glissement annuel très prochainement. C'est d'ailleurs une source d'inquiétude pour la consommation des ménages pour le début de 2010. A ce moment là, la France comptera au bas mot 750 000 chômeurs de plus qu'au début de 2009 : les évolutions salariales seront donc, au mieux, modestes et seront calculées sur la base d'une inflation faible au cours des douze mois précédents, alors même que les prix commenceront à grimper plus vite. Ce scénario impliquerait une augmentation du cours du baril sur fond d'embellie (toute relative) des perspectives sur le front de l'économie mondiale. Les aléas sont donc importants, tant les mouvements des cours de l'or noir ont été erratiques ces derniers mois.
Au fond, la publication de ce jour ne change pas grand-chose au cours de l'histoire. A l'heure actuelle, l'inflation n'est pas un problème pour l'économie française, mais serait susceptible de le devenir l'année prochaine si jamais les cours des matières premières venaient à déraper. Dans ces conditions, nous anticipons une consommation qui resisterait tant bien que mal pendant quelques mois, puis qui pourrait connaître une passe difficile au début de 2010. Ainsi, nous pensons qu'après une chute du PIB de près de 3% cette année, le rebond espéré pour l'année prochaine se limitera tout au plus à +0,6%.
- Frédérique Cerisier (BNP Paribas):
Après être passé en territoire négatif au mois de mai, l'inflation a poursuivi son repli en juin, et s'est inscrite à -0,5% (-0,6% selon les données harmonisées européennes). D'un mois à l'autre, l'indice d'ensemble des prix à la consommation n'a augmenté que de 0,1%, en données brutes comme en données corrigées des variations saisonnières.
Les données publiées par l'INSEE mettent en effet en évidence une forte progression des prix de l'énergie, en hausse de 3,2% m/m, après +0,2% m/m en mai. Cette hausse résulte de l'évolution des prix des produits pétroliers (carburants, combustibles liquides). Après une première hausse en avril (+2,7%), ceux-ci ont à nouveau bondi au mois de juin, avec une augmentation de 5,4% m/m. Malgré cela, les prix de l'énergie restent aujourd'hui bien en deçà de ce qu'ils étaient il y a un an. Le taux d'inflation des produits énergétiques s'est encore légèrement replié en juin, à -17,4% après -17,1% en mai.
Les prix des produits alimentaires ont pour leur part reculé de 0,6% m/m, du fait d'une baisse sensible du prix des produits frais (-3,6% m/m). Hors produits frais, les prix de l'alimentation ont très légèrement diminué le mois dernier (-0,1% m:m). Evaluée sur un an, la progression des prix de l'alimentation est dorénavant elle aussi négative, -0,4%.
Les prix des produits manufacturés reculent (-0,2% m/m), une baisse essentiellement alimentée par l'ouverture des soldes d'été en fin de période (-0,8% m/m pour les articles d'habillement et de chaussures). En revanche, les prix des services se redressent légèrement (+0,1% m/m). L'INSEE relève des augmentations tarifaires dans la distribution et l'assainissement d'eau, ainsi qu'une hausse saisonnières des prix des hébergements de vacances et d'hôtellerie, en partie compensés par le repli des prix des transports aériens notamment.
Evaluée sur un an, la progression des prix des produits manufacturés est nulle, tandis que celle des services se redresse très légèrement, à 2,5%. L'indice des prix sous-jacent (qui est corrigé des variations saisonnières) est resté stable d'un mois à l'autre en juin. Après s'être maintenu à 1,6% de mars à mai, le taux d'inflation sous-jacent fléchi légèrement, à 1,5%.
De nouveaux effets de base dans le secteur de l'énergie devraient encore pousser l'inflation à la baisse au mois de juillet. Elle se redresserait par la suite, mais resterait négative au cours des prochains mois.