Augmenter les impôts après la crise? En dépit des dénégations du gouvernement, des responsables politiques et des économistes jugent cette option inévitable pour renflouer les caisses de l'Etat et redresser des finances publiques durement touchées par la récession.
"La réduction des déficits sera la préoccupation majeure" de l'après-crise et "l'option la plus responsable devrait nous conduire à augmenter les impôts", estime Jean Arthuis, président centriste de la commission des finances du Sénat.
Cette éventualité ne saurait "être exclue", prédit pour sa part Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, tandis que le PS réclame dès à présent la suppression des réductions d'impôts incluses dans le bouclier fiscal.
Tous ont en ligne de mire l'aggravation des déficits publics sous l'effet d'une récession qui ralentit les rentrées fiscales et gonfle les dépenses, conjoncturelles (plan de relance) comme structurelles.
"Le mécanisme est simple: même quand les recettes baissent, l'Etat continue à indemniser le chômage, par ailleurs en augmentation, et à rembourser les consultations médicales", explique Mathieu Plane, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
En 2009, les déficits publics (Etats, collectivités locales, sécurité sociale) devraient se creuser à 5,6% du produit intérieur brut (PIB) contre 3,4% l'an passé, selon le gouvernement. Quant à la dette publique, elle devrait encore s'approfondir (73,9% du PIB prévu en 2009 contre 68% en 2008).
L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se montre plus pessimiste, prédisant des déficits à 8,3% en 2010.
La tâche s'annonce ardue pour le gouvernement qui s'est engagé auprès de l'Union européenne à ramener les déficits publics sous les 3% en 2012.
"Il faudra faire un effort de l'ordre de 3 points de PIB", estime Christian Saint-Etienne, de l'université Paris-Dauphine, jugeant "inévitable" une hausse de la CSG, option également défendue par le député centriste Charles de Courson.
M. Plane privilégie, lui, une hausse de l'impôt sur le revenu, qui serait "plus équitable".
Le gouvernement rejette aujourd'hui ces options en bloc. Le président Nicolas Sarkozy a rappelé qu'il "n'avait pas été élu pour augmenter les impôts". Quant au ministre du Budget, Eric Woerth, il lance une mise en garde: "Si vous augmentez la fiscalité, vous tuez la sortie de crise".
Selon lui, le retour de la croissance assurera une meilleure rentrée de l'impôt sur les sociétés et de la TVA et conduira à une réduction progressive des déficits.
"La clef, c'est de limiter la dépense publique, ce n'est surtout pas d'augmenter les impôts dans un pays où la pression fiscale est déjà beaucoup trop élevée", a expliqué lundi le ministre, ajoutant que la réduction des effectifs de la fonction publique restait "une priorité".
Augmenter les impôts serait "une absurdité sans nom", a renchéri mardi le secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand dans un entretien au Figaro, jugeant par ailleurs qu'il y "avait trop de dépenses inutiles en France".
Sur la même ligne, l'OCDE juge que l'effort d'assainissement devra "porter essentiellement sur la diminution des dépenses", des "potentiels énormes d'économies" restant inexplorés.
"Il faut lutter contre le gaspillage", affirme Jean-Hervé Lorenzi, membre du Conseil d'analyse économique, rattaché à Matignon.
Le député UMP Hervé Mariton prône, lui, une autre voie: créer une "recette exceptionnelle" en lançant un emprunt d'Etat.