Les banques américaines, qui ont failli sombrer dans la crise, ont-elles commencé à se ressaisir? Partagée entre les déclarations optimistes des groupes et les prévisions catastrophiques d'analystes, Wall Street espère trouver une première réponse dans leurs résultats du premier trimestre.
Goldman Sachs doit ouvrir le bal des résultats mardi, suivi de JPMorgan Chase jeudi et de Citigroup vendredi. Sont attendues la semaine suivante Bank of America, Wells Fargo et, probablement, American Express.
Selon les calculs des analystes de Barclays, les 24 plus gros établissements financiers américains devraient afficher 7 milliards de dollars de pertes nettes cumulées pour le premier trimestre, ce qui traduirait une nette amélioration sur le quatrième trimestre 2008 et ses 25 milliards de déficits.
Plusieurs banques ont distillé récemment des commentaires attestant d'un bon début d'année, malgré la détérioration de l'économie américaine. JPMorgan et Citigroup ont dit avoir été "dans le vert" en janvier et février tandis que Bank of America table sur 50 milliards de dollars de bénéfices annuels, avant dépréciations d'actifs et provisions pour créances douteuses.
Wells Fargo a publié jeudi des résultats provisoires, montrant un bénéfice trimestriel "record" et très supérieur aux attentes, à 3 milliards de dollars.
Ces éléments laissent toutefois le marché perplexe, soupçonnant que les banques n'ont pas été limpides sur les provisions et dépréciations à venir.
Car avec la crise, le taux de non-remboursement des crédits accordés par les banques s'est nettement aggravé au premier trimestre, s'inquiètent les analystes de Barclays, qui redoutent une inflation des provisions associées.
Les pertes liées aux crédits non honorés ont déjà atteint au 4ème trimestre 2008 "leur pire niveau depuis 1985", rappellent-ils. Or, depuis, le chômage n'a fait que progresser pour frapper 8,5% de la population active en février.
Les fuites de presse sur le "test de résistance" mis au point par l'administration Obama pour mesurer la solidité des grandes banques du pays, qui serait un succès pour toutes, n'ont pas rassuré: plusieurs observateurs critiquent l'opacité des critères retenus et leur manque de rigueur.
Et deux très influents analystes ont récemment ravivé les craintes.
Mike Mayo, de Calyon (Crédit Agricole), a averti que les pertes liées aux prêts des banques devraient "dépasser les niveaux atteints pendant la Grande Dépression".
De son côté, Meredith Whitney, analyste indépendante célèbre pour avoir prédit bien en avance la déroute des banques américaines, a affiché les prévisions les plus pessimistes du marché pour la période 2009-2010, voyant notamment Citigroup encore en lourdes pertes cette année (-5 dollars par action) et en 2010 (-3,50 dollars par action).
Selon elle, les banques américaines, Bank of America et JPMorgan Chase en tête, vont lourdement souffrir de la dégradation continue des prix de l'immobilier et de la montée du chômage.
"C'est un jeu sans fin de rattrapage", selon Mme Whitney, reprochant aux banques d'avoir sous-estimé l'ampleur des pertes liées aux crédits non honorés depuis le début de la crise, il y a bientôt deux ans.
Le quotidien britannique The Times a rapporté de son côté que le FMI s'apprête à publier une estimation considérablement alourdie de la facture des actifs "toxiques" des banques américaines pour la finance mondiale: 4.000 milliards de dollars, contre une précédente estimation de 2.200 milliards.