Si certains ont vu dans le G20 de Londres l'avènement d'un nouvel ordre mondial, l'idée d'un G2 qui placerait les seuls Etats-Unis et la Chine au gouvernail des affaires du monde est de plus en plus évoquée.
Mais le concept de "Chimerica", censé refléter la nouvelle donne géostratégique créée par la montée en puissance -- sans précédent dans l'histoire -- de la Chine, n'est ni réaliste ni apte à séduire Pékin, selon divers analystes.
Lancée aux Etats-Unis en 2006, l'idée d'un tel condominium a été reprise par Zbigniew Brzezinski à Pékin en janvier pour le 30e anniversaire des relations diplomatiques sino-américaines. Elle a suscité de nombreux commentaires parmi les chercheurs et éditorialistes chinois. Surtout depuis le G20 la semaine dernière.
L'ancien conseiller à la sécurité du président Jimmy Carter -- et conseiller du candidat Obama pendant la campagne électorale -- a proposé un "G2 informel" pour des discussions "pas seulement sur les relations bilatérales, mais sur le monde en général".
En rencontrant pour la première fois son homologue chinois Hu Jintao à Londres, Barack Obama a fait un pas dans cette direction, en annonçant un "renforcement des liens à tous les niveaux" avec Pékin et un dialogue tous azimuts: économie, climat, relations avec l'Iran, le Soudan ou le Zimbabwe.
Le concept de G2 "est soutenu par ceux qui, aux Etats-Unis, essentiellement en opposition aux tenants néo-conservateurs de la 'menace chinoise' sont favorables à une stratégie de coopération avec Pékin", explique Valérie Niquet, directeur du centre Asie Ifri.
Une stratégie tentante à l'heure où le G8 peut paraître obsolète et le G20 trop dilué pour répondre aux défis que la planète affronte.
La crise financière a ébranlé largement l'hégémonie américaine et a mis en relief l'interdépendance des première et troisième économies mondiales. La crise climatique montre que les deux plus gros pollueurs de la planète ne peuvent pas agir l'un sans l'autre non plus. Enfin, sur la scène internationale, Pékin s'exprime de plus en plus, et sa puissance militaire ne fait que croître.
"Sur plein de sujets en fait, les deux seuls vrais partenaires sont la Chine et les Etats-Unis", constate Jean-François Di Meglio, vice-président d'Asia Centre.
"Il y a le grand créditeur mondial (Chine) et le grand débiteur mondial (Etats-Unis). Mais le grand créancier a une devise qui n'est pas convertible. C'est l'argument qui tue le G2", note-t-il toutefois.
"La Chine reste un pays émergent qui a beaucoup d'avenir, mais qui ne peut le réaliser sans passer par quelques étapes".
En outre, si les Chinois "sont dans une dynamique qui les rapproche d'un concept de G2, ils ne veulent surtout pas que ça s'affiche car cela leur donnerait beaucoup de responsabilités", estime M. Di Meglio.
Malgré son énorme désir de reconnaissance, la Chine, dans un G2, irait à l'encontre de la multipolarité qu'elle prône et qui lui permet de jouer sur plusieurs tableaux en fonction de ses intérêts du moment.
"Elle n'a jamais cherché à diriger le monde, elle ne fait que suivre le courant du développement", indique Liu Yuhui, chercheur à l'Académie des sciences sociales.
Reste qu'une partie des élites chinoises, gagnées par la fascination face au modèle américain, est souvent favorable à la "Chimerica". Un concept "qui a l?immense mérite (...) de démontrer l?importance incontournable prise par la puissance chinoise", estime Mme Niquet.
Mais un G2 "irait évidemment à l?encontre du jeu diplomatique russe visant à établir face à Washington l?image d?un front multipolaire", souligne-t-elle, et serait inacceptable pour l'Europe, de même que pour le Japon "pour des raisons de sécurité et de leadership".