
Le Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, a qualifié d'"incompréhensible" vendredi le fait que son pays ait été inscrit la veille sur une liste "grise" de paradis fiscaux de l'OCDE, dans la foulée du G20, et regretté l'absence de mise en cause des Etats-Unis.
"Je trouve le traitement qui est réservé à certains Etats un peu incompréhensible", a déclaré M. Juncker, à son arrivée à Prague à une réunion du forum des ministres des Finances de la zone euro (Eurogroupe) qu'il préside.
Il réagissait aux listes sur les paradis fiscaux publiées la veille, juste après le sommet, par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Si le Luxembourg a échappé à la liste noire, il figure toutefois sur une liste dite "grise" de 38 pays, avec la Suisse, l'Autriche, la Belgique, le Liechtenstein, Monaco, les Bermudes ou les îles Caïmans. Selon l'organisation, ces Etats se sont certes engagés à respecter les critères internationaux en matière de transparence bancaire et fiscale mais ne les ont pas "substantiellement" appliqués.
M. Juncker a de nouveau critiqué le fait que les Américains aient échappé à tout reproche dans ce domaine.
Sur les listes de l'OCDE, "j'ai constaté que certains Etats des Etats-Unis n'y figurent pas", a-t-il dit.
Mardi à Bruxelles, devant le Parlement européen, M. Juncker avait nommément cité le Delaware, le Wyoming et le Nevada comme des paradis fiscaux.
En raison de sa fiscalité très faible (pas d'impôts sur les bénéfices), le Delaware est un Etat très prisé des sociétés off-shore qui y établissent leur siège social sans y exercer aucune activité. Aujourd'hui, plus de la moitié des 500 plus grosses fortunes et 43% des sociétés cotées à la Bourse de New York y sont domiciliées.
La Suisse a également "déploré" vendredi son inscription sur la liste grise de l'OCDE, et "désapprouvé le procédé".
Le Luxembourg, la Suisse mais aussi l'Autriche et la Belgique, qui en Europe pratiquent encore le secret bancaire, ont tous fait des concessions juste avant le G20 en matière de transparence bancaire dans l'espoir d'éviter d'être mis au ban de la communauté internationale.
La Belgique a annoncé la disparition de son secret bancaire dès 2010, au lieu de 2011 comme prévu jusqu'ici. Les autres pays ont seulement assoupli leur législation en acceptant d'échanger des informations avec les autres pays, en cas de soupçons de fraude, et en renégociant des accords fiscaux.
Le ministre autrichien des Finances Josef Pröll s'est dit lui plutôt satisfait vendredi à Prague que son pays se retrouve sur une liste grise et pas noire. "C'est la preuve que nous avons fait un pas dans la bonne direction", a-t-il dit, tout en assurant que le secret bancaire autrichien ne serait pas pas "affecté".
Des propos en contradiction avec l'intention affichée jeudi par les dirigeants du G20. Dans leur communiqué final, ils ont en effet estimé que "l'ère du secret bancaire est terminée".
Le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, a parlé de son côté de "gigantesque progrès" au G20 sur les paradis fiscaux. "On ne peut pas permettre que des contribuables allemands soient invités à placer des capitaux dans ces paradis fiscaux avec l'intention claire de nous tromper, vous et moi", a-t-il dit.