
"Nomination illégale", "Virenque de la finance", "procureur stalinien": l'audition mercredi de François Pérol à l'Assemblée, où il s'est défendu des accusations de conflit d'intérêts dans la fusion Caisse d'Epargne/Banque Populaire, a suscité une sévère passe d'armes politique.
Ex-secrétaire général adjoint de l'Elysée, M. Pérol a affirmé devant la commission des Finances qu'il n'était pas dans une "situation de prise illégale d'intérêt" après sa nomination à la tête du groupe Banque Populaire/Caisse d'Epargne.
Pour sa première explication publique depuis le début de la polémique fin février, M. Pérol a tenté de convaincre les députés qu'en tant que conseiller économique de Nicolas Sarkozy, il n'était pas l'"homme omniscient" que la presse se plaisait selon lui à décrire.
La fusion des deux banques "est un projet qui est venu des entreprises. Ce n'est pas un projet que j'ai imaginé, que j'ai conduit", a-t-il affirmé.
"Je n'étais pas en charge de l'ensemble des affaires économiques et financières de ce pays", a dit M. Pérol, assurant que son rôle n'avait consisté qu'à "éclairer au mieux le président sur cette affaire".
Des arguments qui n'ont pas convaincu François Bayrou. Cette nomination est, selon le président du MoDem, "contraire à la loi pénale française" car M. Pérol s'occupait du rapprochement des deux banques "au nom du président de la République".

La loi interdit à tout fonctionnaire de travailler pour une entreprise qu'il a surveillée, avec laquelle il a conclu un contrat ou qu'il a conseillée sur ses opérations, dans les trois ans précédant son départ.
Pour leur part, les députés socialistes ont qualifié M. Pérol de "Richard Virenque de la finance", "nommé à l'insu de son plein gré", en référence à l'ex-cycliste français impliqué dans des affaires de dopage.
Or "quand on regarde les dates, on se rend compte qu'il s'agit d'une construction très largement élyséenne et présidentielle", a commenté le fabiusien Philippe Martin.
Silencieux pendant toute l'audition, le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefèvre a alors pris la défense de M. Pérol: "Certains ont cru bon de s'autoproclamer procureurs staliniens dans ce procès d'intentions qui est fait à M. Pérol".
"François Pérol a démontré à quel point il était à la hauteur de la mission qui lui a été confiée. Je suis heureux qu'il résiste à ce procès politique qui lui est fait", a ajouté M. Lefebvre, ex-conseiller parlementaire de Nicolas Sarkozy.
Lors de son audition, M. Pérol a notamment expliqué pourquoi il n'avait pas saisi la commission de déontologie de la Fonction publique, ne serait-ce que pour se prémunir contre une possible poursuite pénale. Une plainte a d'ailleurs été déposée contre lui pour "prise illégale d'intérêt".
Il a invoqué "l'urgence de la situation": les deux banques et leur filiale commune Natixis "s'apprêtaient à annoncer des pertes importantes" le 26 février et Natixis représentait un "risque de nature systémique", a-t-il expliqué.
Or, la commission ne pouvait se réunir avant le 11 mars.
Mais pour le villepiniste François Goulard, "la crise de liquidités a commencé en novembre: il est difficile d'avancer cet argument" de l'urgence.
"Personne n'a envie de vous croire, Monsieur", a lancé le député PS Henri Emmanuelli.