Les pays de la zone euro ont rejeté lundi un appel des Etats-Unis en faveur de nouveaux plans de relance, laissant apparaître de premières fissures transatlantiques avant le sommet du G20 sur la manière de répondre à la pire crise qu'ait connue le monde depuis 60 ans.
"Nous sommes tombés d'accord (pour dire) que les récents appels américains exigeant un effort budgétaire supplémentaire ne nous conviennent pas (...) nous ne sommes pas prêts à augmenter les paquets conjoncturels que nous avons (déjà) ficelés", a déclaré le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker.
"Nous avons fait ce que nous devions faire", a ajouté M. Juncker, qui s'exprimait à l'issue de la réunion mensuelle du forum des grands argentiers de la zone euro qu'il préside, l'Eurogroupe, à Bruxelles.
Le ministre luxembourgeois réagissait à des propos du conseiller économique de la Maison Blanche, Lawrence Summers, en vue du sommet du G20 de Londres le 2 avril.
Ce dernier a exhorté dans une interview lundi les pays industrialisés à ne pas relâcher leur effort de relance car l'économie mondiale "a besoin de plus de demande" et d'"une action extraordinaire des pouvoirs publics".
"Le G20 doit se concentrer sur la demande mondiale. Le monde a besoin de plus de demande", a dit M. Summers.
Pour stimuler leur économie, les Etats-Unis ont lancé en février un plan de relance doté de 787 milliards de dollars.
Les pays de l'Union européenne ont engagé des mesures d'un montant total moins important, évalué à 400 milliards d'euros par la Commission européenne pour 2009 et 2010, soit 3,3% de leur Produit intérieur brut.
Ce chiffre inclut des plans nationaux de relance des gouvernements, des investissements européens mais aussi l'augmentation automatique des dépenses sociales (allocations chômage par exemple) induite en Europe par la crise économique. Ce que les économistes appellent les "stabilisateurs automatiques".
Pour l'Allemagne, principale économie européenne, il est exclu d'en l'immédiat de faire des efforts supplémentaires, alors que les déficits publics de la plupart des pays européens s'envolent, tout en restant à un niveau bien moindre qu'aux Etats-Unis.
"Nous ne prévoyons pas de mesures supplémentaires", a dit lundi à Bruxelles le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, "nous devons déjà mettre en place ce que nous avons décidé".
Berlin a déjà beaucoup renâclé avant de mettre en place deux plans de relance consécutifs, l'un fin 2008, de 31 milliards d'euros, l'autre au début de cette année, de 50 milliards.
La fin de non-recevoir adressée par les Européens à Washington, moins d'un mois avant le grand sommet du 2 avril à Londres sur la crise économique et financière, est le premier signe public d'un différend avec l'administration du nouveau président américain Barack Obama sur la manière d'affronter la récession.
Les Européens veulent surtout se concentrer à Londres sur la réforme du système financier international (renforcement des contrôles, meilleures régulation et transparence) et redoutent que les Etats-Unis ne se contentent de mesures a minima.
A l'inverse, les Etats-Unis, englués dans la crise, semblent vouloir surtout profiter de la rencontre pour battre le rappel général en faveur de mesures de soutien à l'activité mondiale.
La Maison Blanche a toutefois nié un désaccord lundi. "Nos efforts au G20 à Londres porteront sur un certain nombre de sujets, touchant à la fois à la régulation financière et à la relance économique", a dit son porte-parole, Robert Gibbs.