BNP Paribas s'accroche à son projet de racheter Fortis, soucieuse de ne pas laisser passer une opportunité unique de devenir la première banque de la zone euro en terme de dépôts malgré l'hostilité des actionnaires et l'aggravation des pertes de la première banque belge.
A l'issue de cinq mois d'âpres négociations, BNP Paribas a obtenu dans la nuit de vendredi à samedi un accord - le quatrième - avec le gouvernement belge pour lui racheter 75% de Fortis Banque et 25% de Fortis Assurance.
L'opération devrait lui coûter finalement 12,3 milliards d'euros, payables en grande partie en titres. Si elle aboutit, BNP Paribas verrait donc l'Etat belge devenir son premier actionnaire.
Initialement conclu début octobre, au plus fort de la crise financière, l'accord s'est heurté au veto des actionnaires de Fortis à la mi-février, malgré les concessions faites entre-temps par la banque française.
Ce nouveau compromis devra de nouveau être soumis au vote d'une assemblée générale, mais selon le directeur général de BNP Paribas Baudouin Prot, cette fois les choses se présentent "vraiment très bien".
"Tous les échos que j'ai me laissent à penser que l'on devrait avoir une très large majorité en faveur de l'opération", a-t-il dit à l'AFP.
En dépit de l'incertitude entourant ce dossier, qui a fortement pesé sur son cours de Bourse, BNP Paribas n'a pas lâché sa proie, l'opération présentant à ses yeux un grand intérêt stratégique.
Elle ouvrirait d'abord à la banque française, déjà numéro trois en Europe par la capitalisation boursière, la porte de deux riches marchés européens, la Belgique et le Luxembourg, en plus de la France et de l'Italie.
Autre atout en cette période où les liquidités sont rares et chères: un socle de dépôts porté à 580 milliards d'euros, qui devrait faire du nouveau groupe le premier de la zone euro par ce critère. Ce chiffre ne tient toutefois pas compte de la fuite de capitaux constatée ces derniers mois chez Fortis. Malgré son grand intérêt pour ce dossier, BNP Paribas a négocié âprement, soucieuse des risques que la banque belge pouvait faire peser sur sa propre sécurité, mais consciente en même temps que l'Etat belge ne pouvait se permettre de garder un établissement dont le bilan représentait deux fois et demi le PIB du pays.
L'annonce jeudi par Fortis qu'elle devrait enregistrer un milliard de pertes supplémentaires au 4e trimestre, en plus des 5 milliards déjà annoncés, a poussé BNP Paribas à demander encore plus de garanties à l'Etat belge.
D'autant que la banque française, rattrapée par la crise en fin d'année, dispose d'une marge financière plus étroite qu'en octobre.
Accusée de se montrer trop gourmande, au point que le gouvernement belge ne cachait pas son agacement, BNP Paribas a finalement obtenu une garantie publique de 1,5 milliard d'euros sur un portefeuille d'actifs à risque conservés par Fortis Banque et l'assurance que l'Etat belge renflouerait la banque si nécessaire jusqu'à 2 milliards d'euros.
En échange, BNP Paribas a donné des assurances écrites sur les emplois et le maintien en Belgique d'un ou plusieurs centres de décision. M. Prot a promis que si des réductions de personnel devaient avoir lieu, les départs naturels seraient privilégiés.