Voici des réactions d'analystes au nouveau recul des prix à la consommation en janvier, après six mois de baisse continue, et à l'indice du climat des affaires en février, qui a atteint un plus bas historique, publiés vendredi par l'Institut national de la statistique (Insee).
- Marc TOUATI (Global Equities): alors qu'une petite lueur d'espoir s'était allumée en janvier grâce à la stabilisation du climat des affaires dans l'industrie, les deux statistiques publiées aujourd'hui nous rappellent tristement que l'économie française est de plus en plus menacée par la déflation.
En effet, après déjà six mois de baisse continue, les prix à la consommation ont reculé de 0,4% en janvier, portant leur glissement annuel à +0,7%, un plus bas depuis septembre 1999.
Bien entendu, cette baisse de janvier s'explique principalement par un effet soldes (-7% pour les prix dans le secteur "habillement et chaussure") et par la poursuite de la baisse des prix énergétiques (-2,2%).
Pour autant, ce repli a aussi été réalisé en dépit de l'augmentation des tarifs publics des transports et de celle des prix des produits frais (+4,7%), histoire de rappeler que, même si l'hiver a été rude, la répercussion de la baisse des prix agricoles (-15% depuis un an en France) sur les prix à la consommation a du mal à se faire.
Toujours est-il que malgré ces éléments haussiers, l'indice des prix sous-jacent a stagné en janvier, atteignant un glissement annuel de 1,7%.
Autrement dit, la faiblesse des prix et les risques de déflation ne sont pas seulement dus à un effet "pétrole" mais sont malheureusement bien plus profonds.
D'ailleurs, même si les prix à la consommation stagnent ou augmentent de 0,3% en février et mars 2009, leur glissement annuel passera sous les 0% à partir de mars. La déflation ne sera alors plus potentielle mais effective.
Cette triste perspective est d'autant plus crédible qu'après un sursaut en janvier, l'enquête de l'Insee dans l'industrie de février s'avère catastrophique. En effet, après une petite amélioration des perspectives de production et des carnets de commande le mois dernier, ces deux indicateurs avancés de la conjoncture industrielle se sont effondrés en février. Et ce, non seulement sur toutes les activités mais aussi en atteignant des plus bas historiques.
Conséquence logique de cette déconfiture, l'indice du climat des affaires a chuté de 5 points en février, portant son plongeon à 40 points par rapport à mars 2008. Avec désormais un niveau de 68, il atteint même un plus bas historique, jamais observé depuis que l'enquête existe, c'est-à-dire 1976.
Bien loin des profits encore importants de certaines entreprises du CAC 40 qui réalisent d'ailleurs l'essentiel de ces derniers grâce à leurs activités à l'international, cette enquête souligne la fragilité des industriels français. Ceux-ci pensaient effectivement avoir atteint le fond dernièrement mais maintenant, ils doivent creuser.
Autrement dit, à l'instar de leurs homologues eurolandais, les industriels français ont besoin d'aide. Celle-ci doit passer par un taux de refinancement de la BCE de 1% au plus vite, par un euro sous les 1,15 dollar et par une relance budgétaire conséquente à l'échelle européenne et qui ne se traduise pas in fine par une augmentation de la pression fiscale, comme NOS gouvernements nous y ont si souvent habitués. Dans ce cadre, les entreprises pourront préserver l'emploi, donc les revenus et la consommation.
Le plus triste dans cette situation réside dans le fait que cette dernière est prévisible depuis au moins six mois. Or, par manque de réactivité, par dogmatisme, par absence de courage et de volonté, les dirigeants politiques et monétaires de la zone euro ont refusé d'agir.
Ils vont le faire à présent, mais les conséquences positives de ces actes ne se produiront qu'à partir de l'automne prochain, obligeant les entreprises et les ménages de la zone euro à vivre une traversée du désert qui a déjà commencé dès le deuxième trimestre 2008 et qui devrait encore durer pendant six mois. Espérons donc que les Européens auront la force et le courage de patienter sans se lancer dans des dérapages sociaux qui seraient pour le coup fortement et durablement destructeurs.
- Alexander LAW (Xerfi):
C'est un phénomène devenu excessivement rare: une bonne nouvelle sur le front de l'économie française! L'inflation s'est ainsi établie à 0,7% seulement en janvier, du jamais vu depuis septembre 1999. Sur un mois, les prix ont reculé de 0,4% portant la baisse totale sur les trois derniers mois à -1,1% (données non corrigées des variations saisonnières).
Bien entendu, un tel chiffre pourrait nourrir des craintes déflationnistes: or, une telle situation serait une véritable catastrophe pour l'économie française. Ce scénario n'est toutefois pas validé par les données dont nous disposons pour l'instant. Certes, l'inflation est en train de baisser très rapidement et pourrait devenir négative pendant une courte période. Mais ce phénomène est lié aux effets de base exercés par la décrue sensible des cours des matières premières depuis l'été dernier.
Ainsi, l'indice sous-jacent (débarrassé des éléments volatils comme l'énergie ou l'alimentation), qui mesure les tensions inflationnistes générées par les structures intrinsèques de l'économie française, s'établit à 1,7%, un niveau tout à fait confortable et conforme aux souhaits de la Banque centrale européenne.
Loin d'être une mauvaise nouvelle, la désinflation actuellement en cours doit être considérée comme une chance. Les comptes nationaux du quatrième trimestre l'ont prouvé une fois de plus: la consommation des ménages (malgré la baisse des achats de produits manufacturés) est l'un des derniers bastions résistants de l'économie française.
Dans un contexte de remontée rapide du chômage, de retournement du marché immobilier et de moral des ménages autour de son plancher historique, le surcroît de pouvoir d'achat lié à la modération des prix est une aubaine. De fait, la sortie de crise ne se fera qu'à condition que les ménages conservent un minimum d'ardeur dépensière.
Surtout, il faut profiter de la baisse de l'inflation tant qu'elle dure. En effet, l'effet de base qui permet à l'inflation de reculer va s'estomper à partir de l'automne, ce qui stabilisera l'indice d'ensemble. Dans tous les cas, la BCE conserve une marge de manoeuvre pour poursuivre l'assouplissement de sa politique monétaire afin de redonner une bouffée d'oxygène à l'économie eurolandaise, si tant est que les armes dites "conventionnelles" soient encore efficaces.
Plus inquiétants en revanche sont les résultats de l'enquête mensuelle de conjoncture dans l'industrie. L'indicateur synthétique chute de 5 points pour s'établir à un nouveau minimum historique (68 points, soit 32 points de moins que la moyenne de long terme. C'est absolument colossal !). Pour faire bref, en comparaison, la crise de 1993 fait figure de simple anicroche conjoncturelle. L'indicateur est plombé par un nouveau décrochage de la production passée, signalant que la production industrielle de janvier et début février aura de nouveau été franchement mauvaise. A cela, pas de mystère: la demande n'est toujours pas au rendez-vous. Bien au contraire, les carnets de commandes, aussi bien domestiques qu'étrangers, se sont de nouveau très sensiblement dégarnis.
Pour ne rien arranger, les perspectives personnelles de production baissent à nouveau nettement, signalant que le premier trimestre sera une fois encore des plus pénibles pour l'économie française.
Il faut dire que les chefs d'entreprise n'ont plus aucune visibilité: leurs perspectives générales de production (qui illustrent d'une certaine manière leur vision de l'ensemble de l'industrie voire de l'économie hexagonale) se stabilisent à des niveaux historiquement bas. Si on veut se consoler, on pourra toujours remarquer que les stocks sont jugés un peu moins lourds. C'est logique, surtout quand on sait que des usines automobiles ou encore sidérurgiques ont fermé temporairement leurs portes pour écouler les invendus.
Cela ne fait donc pas l'ombre d'un doute: l'éclaircie pour l'économie française ne pourra venir que de la demande des ménages en biens et services. Les Français sont (relativement) peu endettés, dotés d'une épargne abondante et facilement mobilisable, font toujours beaucoup d'enfants (ce qui témoigne d'ailleurs d'une certaine confiance structurelle dans l'avenir) et bénéficient désormais d'une désinflation bienvenue. En revanche, dans l'industrie, la spirale infernale se poursuit dans le sillage des difficultés des grands constructeurs automobiles et de la forte récession économique dans laquelle l'économie de la zone euro s'est trouvée happée.
- Cyril BLESSON (Seeds finance):
La confiance des industriels poursuit sa baisse après le choc d'activité massif enregistré au dernier trimestre 2008, qui pour mémoire était renforcé par un violent déstockage. La confiance des industriels enfonce maintenant nettement les niveaux de 1993. Sa faiblesse suggère une poursuite du recul de l'activité industrielle au premier trimestre 2009. Notons, qu'après le très fort déstockage du T1, les opinions sur le niveau des stocks s'améliorent légèrement. Pour mémoire le déstockage a expliqué les trois quarts de la baisse du PIB hexagonal de 1,2% au T4 2008.
Les perspectives de production rechutent après leur légère amélioration de janvier, hormis dans le secteur automobile où elles rebondissent assez nettement. Dans l'industrie au global, les opinions sur les carnets de commande poursuivent leur chute. Cela est particulièrement marqué dans l'industrie des biens d'équipement. Ainsi, en maintenant pour le mois de mars, les niveaux de confiance à leur valeur de février, notre modèle prévoit une chute additionnelle de la production manufacturière de -3,6% au T1 2009 en variation trimestrielle après -8,6% au T4 2008.
Le rebond industriel de fin 2009 dépendra de la tenue de la demande. Il faudra attendre l'impact des plans de relance internationaux, et le restockage espéré à cet horizon, pour voir la production rebondir modérément fin 2009.
L'incertitude est liée à la résistance de la demande à cet horizon: il serait souhaitable selon nous que les gouvernements européens favorisent des mesures de relances internationales coordonnées additionnelles pour éviter toute mauvaise surprise! De ce point de vue, les règles institutionnelles stigmatisant les déficits publics excessifs paraissent saugrenues dans le climat conjoncturel actuel. La capacité des gouvernements à susciter le retour de la confiance lors du G20 de début avril sera aussi importante.
- Nicolas BOUZOU (Asterès):
Les chiffres de l'inflation pour janvier constituent une bonne nouvelle à deux titres. D'une part, ils montrent que la chute des prix de matières premières observées depuis l'été 2008 a un impact positif sur le pouvoir d'achat des ménages.
Sur un an, les prix de l'énergie ont en effet perdu près de 10%, grâce à la chute des prix des produits pétroliers (-18,5%). A l'inverse, les prix de l'alimentation ont gagné 2,4%, dont 2,7% pour les produits frais. Seul le prix des fruits a un peu fléchi. C'est un point à surveiller, dans la mesure où le reflux des prix de matières premières concerne aussi les produits agricoles. Il n'y a aucune justification pour que, in fine, les ménages n'en profitent pas.
Second aspect rassurant: la désinflation est forte, ce qui est favorable au pouvoir d'achat, mais nous ne sommes pas dans une situation de déflation qui se traduirait par un gel de l'activité économique (en situation de déflation, il est toujours plus rentable de repousser ses achats et ses investissements à demain).
L'inflation sous-jacente reste largement positive, à 0,7%. Et, sur l'indice global, le recul des prix entre décembre et janvier tient à l'effet saisonnier des soldes d'hiver. On ne note pas d'effets de second tour à l'envers, c'est-à-dire pas de transmission de la chute des cours de matières premières à l'ensemble des biens et services. Les politiques économiques menées en France et dans l'ensemble des grandes économies (faites à la fois de politique monétaire très accommodante et de relance budgétaire) parviennent pour l'heure à empêcher la déflation.
Aucun pays en Europe ne connaît aujourd'hui de baisse généralisée des prix.
Ces chiffres rappellent en outre, s'il en était besoin, que la relance par la consommation trouve peu de justification dans un pays qui, non seulement connaît un déficit commercial important (ce qui signifie que nous consommons déjà trop par rapport à notre capacité productive), mais où, également, l'inflation est passée en 6 mois de 3,5% à moins de 1%.
Cette évolution spectaculaire de l'inflation signifie que la relance par le pouvoir d'achat se fait toute seule, sans coût pour les finances publiques.
- Philippe WAECHTER (Natixis):
L'indice synthétique du climat des affaires a chuté, de nouveau, en février. Il s'inscrit à 68 soit à 32% au-dessous de sa moyenne de long terme (qui est à 100 par construction). En prenant la moyenne sur les deux premiers mois, la baisse de l'indicateur par rapport au trimestre précédent est la deuxième en ampleur après celle du dernier trimestre 2008 (depuis 1977). Les perspectives des chefs d'entreprises (comment va évoluer mon activité dans les 3 prochains mois ?) enfonce à nouveau son point bas. Les chefs d'entreprise ne sont pas plus optimistes sur la santé de l'économie française. Leur perception du niveau d'activité de celle-ci dans les prochains mois est au plus bas historique.
Les carnets de commandes sont à un plus bas historique. Ils sont tirés par les commandes étrangères qui baissent très fortement en février. Cette chute des commandes étrangères en février provient essentiellement du secteur des biens d'équipement. La rupture constatée y est très violente. Dans les autres secteurs, il y a repli mais il est limité, sans rupture, même si le niveau des commandes est généralement proche des plus bas historiques.
L'indice de production passée se replie aussi dans des proportions inquiétantes. Depuis le mois de janvier l'accélération à la baisse constatée au dernier trimestre 2008 se poursuit dans des proportions équivalentes. C'est à nouveau dans les biens d'équipement que la situation se dégrade rapidement.
Le niveau des stocks continue de se replier mais il est toujours perçu comme excessif quelque soit le secteur.
Les perspectives d'activité des chefs d'entreprise se contractent au niveau agrégé sous l'impulsion du secteur des biens d'équipement et de celui des biens de consommation.
Les perspectives de prix continuent de se replier ce qui n'améliorera pas les marges des entreprises.
L'enquête de l'INSEE donne plusieurs signaux sur l'activité française au début de l'année 2009.
1) Globalement, elle continue de se contracter sur un rythme très élevé et qui reste proche de celui observé au cours du dernier trimestre 2008 (le PIB avait alors reculé de -1,2%).
2) Les chefs d'entreprise n'attendent pas d'inversion de tendance à court terme, ni pour eux ni pour l'économie française.
3) Les commandes et surtout les commandes étrangères se replient très rapidement.
4) Le niveau des stocks ne va pas permettre un retournement industriel fort dans les prochains mois.
5) Les secteurs des biens intermédiaires et de l'automobile sont sur des dynamiques très médiocres mais dont la dégradation ne s'accélère pas en février.
6) En revanche, dans le secteur des biens d'équipement et dans une moindre mesure celui des biens de consommation, il y a rupture à la baisse. Dans les biens d'équipement, la baisse des commandes étrangères est très pénalisante. La production passée s'effondre et les chefs d'entreprise anticipent une accélération de la dégradation dans les mois à venir.
L'économie française est en récession et tous les secteurs de l'industrie sont désormais dans une position de fragilité marquée. Au regard des indicateurs du premier trimestre, il est à craindre que la tendance observée à la fin de l'année 2008 se poursuive en 2009.