Le patron de l'avionneur européen Airbus, Thomas Enders, a mis en garde jeudi les gouvernements européens, ses clients, contre un "désastre" pour son entreprise si les conditions de contrat actuelles pour livrer son futur avion de transport militaire, l'A400M étaient maintenues.
"Avec les conditions de contrat actuelles et la structure de l'organisation, nous avons tous les ingrédients d'un désastre. Il serait irresponsable de continuer dans cette voie", a dit M. Enders.
Si des industriels américains étaient invités à participer à ce contrat, ils s'enfuiraient, a-t-il ajouté.
"Nous voulons le succès de ce programme, mais dans les termes actuels du contrat, cela ne peut pas être un succès", a-t-il continué, estimant que le contrat tel qu'il avait été accepté il y a quelques années n'aurait pas dû l'être.
"Les missions impossibles ne réussissent qu'au cinéma" a souligné M. Enders.
"Il est temps de mettre le programme sur des bases solides et réalistes en terme de calendrier, d'organisation et de financement", a-t-il ajouté.
Vendredi dernier, la maison mère d'Airbus, EADS a dit vouloir discuter avec l'agence européenne OCCAR (Organisation conjointe de coopération en armement), "du calendrier du programme ainsi que des changements concernant d'autres points du contrat, en particulier certaines caractéristiques techniques" de l'appareil.
"Nous espérons bien pouvoir engager les discussions sur cette nouvelle approche" a ajouté M. Enders.
A l'origine, ce contrat de 20 milliards d'euros avait été signé en mai 2003 entre EADS et l'OCCAR, représentant sept pays, pour une commande de 180 appareils.
EADS avait annoncé vendredi dernier que "la première livraison de l'A400M pourrait avoir lieu environ trois ans après le premier vol", dont la date reste encore à préciser, en raison notamment de problèmes avec la motorisation assurée par le consortium européen EPI, qui regroupe le français Snecma (Safran), le britannique Rolls Royce, l'espagnol ITP et l'allemand MTU.
Les dirigeants d'Airbus ont toutefois "espéré" jeudi que l'avion pourrait faire son premier vol "cette année". Les difficultés ne concernent pas que les moteurs mais aussi les systèmes avioniques ont-ils ajouté, même si Airbus espère que l'A400M "qui offrira des capacités sans égale" sera mené à terme avec succès.
L'Allemagne a commandé 60 avions, la France 50, l'Espagne 27, le Royaume-Uni 25, la Turquie 10, la Belgique 7 et le Luxembourg un appareil. Par la suite, l'Afrique du Sud en a commandé huit et la Malaisie quatre.
Estimant avoir retenu les leçons des retards de livraison du très gros porteur A380 --près de deux ans sur le calendrier initial--, M. Enders a souligné qu'il fallait d'abord se concentrer sur le prototype de l'A400M puis le vol d'essai et ensuite s'attaquer à la production de l'avion.
Le groupe européen, par ailleurs confronté à d'autres défis industriels - la montée en cadence de l'Airbus A380 et le lancement de l'A350 -, a récemment intégré la division Military Transport Aircraft à Airbus pour simplifier la gestion du programme A400M.
"Cette intégration renforce Airbus" a souligné M. Enders.