Le moral des industriels a continué de se dégrader en décembre, touchant un plus bas historique à 73 points, signe d'une "crise très grave" qui devrait durer au moins jusqu'en 2009, selon l'Insee et les économistes.
"Selon les chefs d'entreprise interrogés en décembre, la conjoncture industrielle s'est de nouveau nettement dégradée: l'indicateur synthétique du climat des affaires recule de six points et se situe désormais à son niveau le plus bas", indique vendredi l'Institut national de la statistique dans un communiqué.
"Le pire que nous craignions il y a déjà quelques mois est malheureusement en train de se produire", commente Marc Touati de Global Equities.
"A 73 points, l'indicateur est inférieur de 27 points à sa moyenne de longue période, ce qui est absolument colossal. (...) Plus les mois passent, plus la crise s'aggrave", estime pour sa part Alexander Law du cabinet Xerfi.
En novembre, le moral des industriels, qui n'a cessé de se dégrader depuis décembre 2007, avait déjà touché son niveau le plus bas depuis septembre 1993, à 79 points (chiffre révisé en baisse de 1 point).
"Au vu des perspectives personnelles de production, à leur plus bas niveau, la chute de l'activité se poursuivrait au cours des prochains mois", estime l'Insee.
Pour M. Law, cela signifie "que la débâcle de la production industrielle en octobre n'était pas un fait isolé et que les prochains mois risquent d'être encore plus pénibles, si c'est encore possible. (...) L'hypothèse d'une contraction de l'activité économique en France au quatrième trimestre de 2008 est non seulement crédible, mais surtout, inéluctable", alerte-t-il.
"La récession dans laquelle s'est enfoncée l'industrie française depuis le début 2008 est bien la plus grave depuis l'après-guerre", s'alarme pour sa part M. Touati.
Les perspectives générales, qui représentent l'opinion des industriels sur l'activité de l'industrie dans son ensemble, continuent elles aussi de se dégrader et "restent en dessous de leur minimum historique", note l'Insee. "Elles se situent 14 points en deçà de leur précédent plancher de mars 1993", note Marc Touati.
Les chefs d'entreprise prévoient également de freiner leurs prix au cours des prochains mois, note l'Insee.
En décembre, les entrepreneurs de l'industrie manufacturière estiment que leur activité passée s'est nettement repliée. "Les stocks de produits finis continuent de s'alourdir et sont jugés très supérieurs à leur niveau moyen de longue période", ajoute l'Insee.
Les carnets de commandes, globaux comme étrangers, se dégarnissent de nouveau et sont considérés comme très peu étoffés, est-il précisé.
"Le détail de l'enquête n'offre aucune bonne nouvelle, aucun signe qu'une stabilisation pourrait intervenir à court terme. (....) Tout indique que les chefs d'entreprises devraient continuer de réduire leur activité au début de 2009" et "s'attendent à une poursuite de la détérioration en cours", estime Frédérique Cerisier de chez BNP Paribas.
Pour Alexander Law, "l'économie française traverse une crise très grave, mais c'est sa branche industrielle qui est la plus atteinte. (...) Nous estimons que le quatrième trimestre 2008 aura été particulièrement délétère et que le premier semestre 2009 sera à peine meilleur".
Concernant les perspectives, "la croissance devrait commencer à rebondir à compter de l'été prochain, mais la remontée en régime industriel sera hélas, beaucoup plus lente", juge-t-il.
Pessimisme partagé par Marc Touati, qui souligne que "si nous voulons avoir une chance de sortir de la récession avant 2010, il faut que la BCE baisse fortement ses taux directeurs (au moins à 1,5% au plus vite), de manière à retrouver un niveau plus normal de l'euro/dollar".