La banque Fortis, nationalisée puis démantelée pour éviter sa déroute, replonge dans l'incertitude, après une décision de justice belge en faveur des petits actionnaires qui gèle provisoirement son rachat par le français BNP Paribas.
Le Premier ministre belge Yves Leterme et son ministre des Finances Didier Reynders se sont penchés dès samedi sur le sort de l'ex-fleuron bancaire belgo-néerlandais Fortis, au centre désormais d'un imbroglio judiciaire.
Le gouvernement, "surpris", réfléchit à une riposte juridique. Un pourvoi en cassation est une option, a indiqué Yves Leterme à la sortie de sa réunion.
"Notre objectif reste prioritairement la protection des clients et des épargnants ainsi que les intérêts des travailleurs de Fortis", a commenté pour sa part Didier Reynders.
"Le projet lancé avec BNP Paribas est le meilleur", a-t-il ajouté. "L'arrêt crée une nouvelle situation juridique, mais il est encore parfaitement possible de continuer à aller de l'avant", selon lui.
Vendredi soir, la Cour d'appel de Bruxelles a donné raison aux petits actionnaires du bancassureur Fortis, qui exigeaient d'être consultés sur la vente par appartements début octobre de leur groupe au français BNP Paribas et à l'Etat néerlandais.
Les actionnaires belges devraient se prononcer au plus tard le 12 février au cours d'une assemblée extraordinaire sur ces décisions.
La participation de l'Etat belge dans Fortis Banque est gelée pour 65 jours, durant lesquels BNP Paribas est tenu de venir si besoin à la rescousse de la banque belge, selon le jugement.
BNP Paribas a affirmé que la suspension temporaire de la transaction "ne remettait pas en cause l'intérêt" porté à Fortis.
"On souhaite clôturer ce projet dans des délais acceptables", a insisté l'un des administrateurs de Fortis, Filip Dierckx.
Mais ce coup de théâtre juridique va-t-il créer lundi un mouvement de panique des clients? Les autres banques pourraient-elles couper les liquidités à Fortis sur le marché interbancaire?
Ces péripéties pourraient être le prétexte pour renégocier de meilleures conditions d'achat avec BNP Paribas. A moins que l'Etat belge ne décide de faire un geste supplémentaire en direction des petits actionnaires.
Selon l'accord du 6 octobre, BNP Paribas doit prendre 75% des activités bancaires belges de Fortis (l'Etat belge garde 25%) et 100% des activités assurance en Belgique. La banque française va aussi acquérir 66% de Fortis Luxembourg. L'opération totale se solde à 14,7 milliards d'euros.
"L'Etat ne pouvait pas faire n'importe quoi, c'est une victoire pour les actionnaires de Fortis", a estimé Me Mischaël Modrikamen, l'un des avocats des actionnaires, interrogé samedi par la télévision belge RTBF.
Fortis a été l'une des premières banques européennes touchées par la crise financière venue des Etats-Unis.
Les gouvernements du Benelux ont d'abord, fin septembre, injecté 11,2 milliards d'euros en échange de participations dans des filiales de Fortis, avant leur démantèlement une semaine plus tard.
Le 3 octobre, Fortis cédait ses activités aux Pays-Bas à l'Etat néerlandais. Le 5 octobre, la banque française BNP Paribas annonçait son intérêt pour les branches belge et luxembourgeoise.
Après ce dépeçage, les titres Fortis détenus par les petits actionnaires ont perdu presque toute leur valeur.
Les Pays-Bas ont déjà annoncé la fusion des activités néerlandaises de Fortis avec la banque ABN Amro. Des opérations qui ne seront pas affectées par le verdict belge car elles se sont déroulées sous droit néerlandais, a précisé samedi le ministère néerlandais des Finances.