L'Equateur a suspendu le paiement de près de 40% de sa dette internationale, pour la troisième fois en 14 ans, avançant des "irrégularités" au moment de la négociation de celle-ci, a annoncé vendredi le président équatorien Rafael Correa.
"J'ai donné l'ordre de ne pas payer les intérêts, le pays est donc en +default+ (moratoire, ndlr) sur sa dette extérieure", a déclaré le président Rafael Correa à des journalistes, lors d'une visite dans la ville équatorienne de Guayaquil (sud-ouest).
Le chef de l'Etat a précisé que son pays ne verserait pas 30,6 millions de dollars d'intérêts dus au titre de bons à échéance 2012.
Ces bons avaient été négociés dans le cadre d'une restructuration de la dette équatorienne.
Le défaut de paiement sur les intérêts des bons à échéance 2012, devrait entrainer également une suspension du paiement du service de la dette formulée en bons à échéance 2015 et 2030, négociés au même moment, soit l'ensemble de la dette bancaire.
Fin novembre, Quito avait déjà annoncé un "moratoire technique" sur le paiement de ces intérêts, dans l'attente d'un audit commandé par le gouvernement, qui avait conclu que les créances bancaires équatoriennes étaient entachées d'irrégularités et à ce titre "illégitimes".
Les créances bancaires concernées représentent 3,8 milliards de dollars, soit 40% de la dette publique extérieure de l'Equateur -- d'un montant total de 9,9 milliards de dollars.
Le socialiste Rafael Correa, économiste de formation qui promet depuis son élection en 2006 de défendre la souveraineté du pays face à la finance mondiale, avait indiqué qu'il annoncerait sa décision au plus tard le 15 décembre.
Le moratoire, a-t-il précisé, a été déclaré vendredi à 10h00 (16h00 GMT).
"Nous allons présenter une proposition de restructuration pour tenter de régler ce problème, mais j'insiste : nous ne pouvions pas nous permettre de continuer à payer cette dette immorale et illégitime".
"Nous savons qui nous devons affronter, mais en tant que président de la République, j'en assume toute la responsabilité", a encore déclaré M. Correa.
Il s'agit de la troisième initiative de ce type en 14 ans, depuis 1994.
En 1999 notamment, le ratio d'endettement par rapport au PIB frisait les 100% et le pays avait suspendu le paiement de sa dette à la suite de la faillite de son système bancaire.
La mesure pourrait cependant être plus coûteuse que l'économie réalisée, selon les spécialistes : elle interviendrait en effet alors que l'Equateur, qui a adopté le dollar comme monnaie nationale en 2000, commence à subir les effets de la crise financière mondiale, avec la baisse des envois de devises par les émigrés, et la chute des prix du pétrole, qui alimentent actuellement 40% du budget de l'Etat.
La décision des autorités sera "populaire au niveau interne", a estimé, aux Etats-Unis Alessandra Alecci, spécialiste de l'agence de notation financière Moody's, en soulignant qu'elle intervient avant les élections générales qui doivent être organisées en avril.
Mais cette analyste, comme Lisa Schineller, son homologue de chez Standard and Poor's, ne pense pas que Quito étendra sa décision à la dette multilatérale.
"Vu (la chute) des prix du pétrole, il ne serait pas raisonnable d'annoncer un moratoire sur la dette multilatérale", a estimé Lisa Schineller.
"Les financements multilatéraux sont presque les seuls dont puisse disposer le gouvernement", a aussi souligné Alessandar Alecci.