Sitôt évoqué, sitôt retiré: l'amendement du sénateur UMP Philippe Marini, prévoyant de permettre aux particuliers de déduire de leurs impôts certaines pertes boursières, a suscité lundi un tir de barrage dans son propre camp, et François Fillon a donné le coup de grâce.
Devant un tel tollé, le rapporteur de la commission des Finances et sénateur de l'Oise a finalement retiré cet amendement, renonçant à le soumettre au vote lors de l'examen en séance du projet de budget 2009 au Sénat.
"Peut-être que mon amendement n'est pas dans le politiquement conforme du moment, je m'attendais à un débat, pas à être voué aux gémonies" a-t-il expliqué.
Adopté en commission lors de l'examen du projet de budget, cet amendement prévoyait que les particuliers puissent déduire de leurs revenus les moins-values (pertes) de cession de valeurs mobilières cotées en Bourse dans la limite de 10.700 euros.
Puis les chances de voir cette proposition prospérer n'ont cessé de fondre, jusqu'au refus sans appel du Premier ministre.
"Je ne suis pas sûr que ce soit une idée formidable, que ce soit en tous les cas la priorité", avait glissé tôt lundi matin le nouveau ministre chargé de la Relance, Patrick Devedjian.
Autre membre du gouvernement, Roger Karoutchi (Relations avec le Parlement) avait déclaré comprendre la "philosophie", consistant à protéger les petits porteurs. Mais les porteurs en bourse "sont un peu plus de 6 millions, essentiellement des petits et moyens porteurs". Si M. Marini "dit que la mesure ne coûte que 10 à 20 millions d'euros, ça ne concerne que 10 à 20.000 personnes, je ne comprends pas bien", avait-il dit.
Critique relayée par la présidente du Medef Laurence Parisot: "le marché boursier est ce qu'il est, il y a des bonnes années, des moins bonnes années", a-t-elle déclaré. "Je ne vois pas pourquoi il faudrait envisager un dispositif spécial et avantageux pour ceux qui ont pris certaines positions sur le marché", a-t-elle dit.
Benoît Hamon, porte-parole du PS, a qualifié l'amendement de "totalement immoral".
Le Premier ministre a tranché: le gouvernement "donnera un avis défavorable". Et il a prononcé un réquisitoire: "cet amendement créerait de fortes inégalités". "Dans cette période de difficultés économiques", il "n'appartient pas au contribuable de compenser les pertes des actionnaires".
La disposition "avantagerait les actionnaires qui ont effectué des cessions au détriment de ceux qui ont choisi, dans cette période difficile, de conserver leurs actions", a-t-il dit.
"Le plafond de cession défini par l'amendement, qui ne tient pas compte du revenu de l'épargnant, ne permettrait pas de limiter cet avantage aux seuls petits actionnaires et désavantagerait les non imposables".
Enfin, selon le chef du gouvernement, "il désavantagerait les détenteurs de PEE (plans d'épargne d'entreprise) ou d'actions au travers de contrats d'assurance-vie".
Egalement hostile, le ministre des Comptes publics Eric Woerth a observé qu'on "peut déjà imputer des moins-values boursières quand on vend à perte (...) sur les plus-values qu'on fera dans les années qui suivent".
"Le principe, quand on place son argent en Bourse, c'est quand même qu'on prend ses risques", a réagi Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP.
Tout en trouvant l'idée "séduisante", le patron des députés UMP Jean-François Copé s'est interrogé sur sa faisabilité.