Les juges chargés de l'enquête sur les falsifications ayant coûté 4,9 milliards d'euros à la Société générale ont rejeté la demande de Jérôme Kerviel d'être confronté à l'ancien président de la banque Daniel Bouton, a-t-on appris jeudi de sources proches du dossier.
"Une confrontation de M. Kerviel et de M. Bouton (...) est sans aucun intérêt pour la compréhension des faits dont nous sommes saisis", estiment les juges Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset dans leur ordonnance signée lundi et que l'AFP a pu consulter.
Justifiant leur refus, les magistrats jugent "manifeste, au vu des éléments recueillis par l'information, que les multiples alertes n'ont pas permis aux organes de contrôle interne de la banque de détecter les positions exorbitantes qu'avait prises M. Kerviel sur son poste, celui-ci ayant pris soin de les masquer par des opération fictives en sens inverse."
"Ces opérations fictives, ainsi que les réponses mensongères qu'a pu apporter M. Kerviel lors des différentes alertes, n'avaient d'autre but que de cacher des positions ayant atteint des dizaines de milliards d'euros (...). Lorsque ces opérations ont été détectées, les 18, 19 et 20 janvier 2008, la banque y a mis fin aussitôt", ajoutent les magistrats.
Le trader soutient que sa hiérarchie était au courant des positions hors-normes qu'il prenait.
Cette demande de confrontation fait partie de plusieurs demandes d'actes formulées le 19 novembre par les avocats du jeune trader. Les juges n'ont pas encore fait savoir s'ils donnaient suite ou non à ces demandes, selon l'une de ces sources.
Pour Me Bernard Benaïem, l'un des avocats de Jérôme Kerviel, "il est trop facile pour la banque de s'acharner sur Kerviel et que dans le même temps le PDG d'alors n'ait pas à s'expliquer".
"Il faut que les juges mènent enfin l'instruction à charge et à décharge: Kerviel a reconnu les faits mais cela n'absout pas la banque de toute complaisance, de toute responsabilité et même de toute complicité active", a ajouté Me Benaïem, qui envisage de faire appel de la décision des magistrats.
L'avocat de la Société générale, Me Jean Veil, a pour sa part estimé qu'il s'agissait d'une "décision particulièrement motivée" qui "rend justice à la Société générale".
"Elle est très sévère pour M. Kerviel puisqu'elle rappelle les aveux circonstanciés et plusieurs fois répétés d'avoir menti et forgé des faux", a-t-il jugé, ajoutant que "les déclarations de M. Kerviel selon lesquelles sa hiérarchie était au courant sont ainsi clairement démenties".
Daniel Bouton a quitté le 12 mai la direction générale de la Société Générale, qui est revenue à Frédéric Oudéa, tout en restant président du conseil d'administration de la banque.