Les cours du pétrole continuaient leur descente jeudi en début d'échanges européens, après avoir touché dans la nuit des niveaux plus vus depuis près de 4 ans, les opérateurs jugeant que la dégradation de la demande sera plus violente que la riposte possible des producteurs.
A Londres, le baril est descendu durant les échanges asiatiques jusqu'à 43,80 dollars, un plus bas depuis février 2005, tandis qu'à New York il s'est enfoncé jusqu'à 45,30 dollars, niveau plus atteint depuis janvier 2005.
Vers 11H00 GMT, le baril de brent de la mer du Nord pour livraison en janvier valait 45,13 dollars, en baisse de 66 cents par rapport à la clôture de mercredi soir.
A la même heure, à New York, le baril de "light sweet crude" pour la même échéance s'échangeait à 46,16 dollars, cédant 63 cents.
Par rapport à son record du 11 juillet à 147,50 dollars, le prix du Brent a perdu plus de 70% de sa valeur.
L'économie de la zone euro s'est bien contractée de 0,2% au troisième trimestre comparé au deuxième, entrant en récession pour la première fois de son histoire, selon une deuxième estimation de l'office européen des statistiques Eurostat publiée jeudi.
Cette annonce s'est ajoutée à la série de données économiques calamiteuses qui ont conforté cette semaine les investisseurs dans leur crainte que la demande ne se contracte en 2008 et 2009: annonce officielle de l'entrée en récession des Etats-Unis lundi soir, effondrement de l'activité industrielle en Europe et aux Etats-Unis, ralentissement sévère du secteur manufacturier en Chine.
Entretenant le pessimisme, le président de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), Chakib Kheli a déclaré mercredi qu'il n'existait pas de prix plancher pour le baril de pétrole.
"Les prix peuvent baisser à un niveau très très bas, qui dépend des conditions d'offre et de demande, des stocks, et aussi de la situation à venir de la croissance économique mondiale", a-t-il affirmé lors d'un entretien à la radio nationale espagnole.
La perspective d'une baisse "substantielle" de la production de l'Opep le 17 décembre, lors de sa réunion d'Oran (Algérie), ne suffit donc pas à contrer la tendance lourde à la baisse des prix, qui s'est renforcée cette semaine. Les prix ont en effet perdu près de 10 dollars à Londres depuis l'ouverture lundi matin.
D'autant que les opérateurs semblent mettre en outre la capacité des pays membres de l'Opep à respecter les baisses de production décidées par le groupe. Une étude publiée lundi a montré que l'Opep n'avait appliqué qu'à 66% les réductions décidées en septembre et en octobre, et non à 80% comme l'avait affirmé M. Khelil samedi.
L'annonce d'une baisse surprise des stocks de produits pétroliers américains la semaine dernière n'a pas suffi non plus à soutenir les cours.
Contre toute attente, les stocks de brut ont reculé de 400.000 barils, ceux d'essence de 1,6 million de barils (mb) et les distillats (diesel et fioul) de 1,7 mb.
"L'impact haussier que ces chiffres auraient pu avoir sur les prix a clairement été tempéré par la baisse de la demande des raffineries", explique le courtier américain Stephen Schork.
En outre, le marché s'est alarmé d'une progression de 2,35 millions de barils des stocks de Cushing (Oklahoma), le principal terminal de livraison pour les contrats du Nymex.
Signe de l'angoisse grandissante des producteurs, le président ultraconservateur iranien, Mahmoud Ahmadinejad, s'est inquiété jeudi pour la première fois de la baisse du prix du pétrole en affirmant qu'elle allait affecter les projets économiques du gouvernement.
Des propos qui tranchent avec ses propres déclarations une semaine plus tôt: il avait déclaré que le gouvernement pouvait diriger le pays "avec un baril à huit ou même cinq dollars", ajoutant le lendemain qu'il pouvait même diriger le pays sans vendre de pétrole.