Les cours du pétrole se sont enfoncés mercredi sous le seuil symbolique de 45 dollars le baril à Londres pour la première fois depuis février 2005, accablés par des données économiques renforçant la crainte d'une contraction de la demande jusqu'en 2009 et par la passivité de l'Opep.
Le pétrole est tombé mercredi à 44,87 dollars à Londres et 46,26 dollars à New York, des niveaux plus atteints depuis février 2005.
Par rapport à ses records de juillet (147,50 dollars à Londres et 147,27 dollars à New York), le brut a abandonné plus de 100 dollars, soit 70% environ de sa valeur.
Les cours avaient déjà perdu plus de sept dollars lundi et mardi, sous la poussée de deux facteurs baissiers. D'une part, le marché a semblé punir l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de s'être réunie samedi au Caire pour ne rien décider. Le cartel y a maintenu inchangés ses quotas, se contentant d'ouvrir la porte à une baisse "substantielle" de sa production le 17 décembre à Oran (Algérie), au grand dam des courtiers qui comptaient sur une riposte rapide du cartel.
D'autre part, une pluie de données économiques calamiteuses a conforté les investisseurs dans leur crainte que la demande ne se contracte en 2008 et 2009, ce qui serait une première depuis un quart de siècle: annonce officielle de l'entrée en récession des Etats-Unis lundi soir, effondrement de l'activité industrielle en Europe et aux Etats-Unis, ralentissement sévère du secteur manufacturier en Chine...
"Un affaiblissement semble pointer en Chine et dans les pays émergents qui avaient assuré l'essentiel de la croissance mondiale jusqu'à une date récente. Si les Etats-Unis ont été les premiers à entrer en récession, la Chine pourrait être la dernière à le faire et aussi à en réchapper, craint-on de plus en plus", s'inquiétent les analystes du courtier Cameron Hanover.
Coup d'estoc, la baisse de l'activité dans les services aux Etats-Unis s'est intensifiée brutalement en novembre, selon des chiffres publiés mercredi.
"Les données économiques mondiales et les prévisions économiques ont été très sombres depuis le début de la semaine, et elles ont fourni aux +baissiers+ des arguments pour pousser à la baisse les prix du pétrole", a résumé Nimit Khamar, de la maison de courtage Sucden.
"Nous prévoyons maintenant que la demande mondiale (de pétrole) va décliner tant en 2008 qu'en 2009, mais toutefois pas autant que l'offre non-Opep", estiment les analystes de Barclays Capital.
Un autre élément a accéléré la spirale baissière des prix : l'Opep aurait non seulement déçu les attentes du marché par son inertie samedi, mais elle aurait en outre fort mal appliqué les baisses de production décidées à l'automne, selon une étude publiée mercredi.
Cette étude "suggère que l'Opep n'a respecté qu'à 66% sa promesse de réduire de 1,5 million de barils", rapporte ainsi Nimit Khamar.
Ce chiffre serait donc bien inférieur aux déclarations du président de l'Opep: l'algérien Chakib Khelil avait déclaré samedi que les réductions de production décidées en septembre et en octobre (de 500.000 barils/jour puis 1,5 mbj, soit 2 mbj au total) avaient été appliquées à 80%.
Sur cette toile de fond bien sombre, la seule touche positive a été fournie par le Département américain de l'énergie qui, contre toute attente, a annoncé une baisse des réserves pétrolières américaines la semaine dernière : les stocks de brut ont reculé de 400.000 barils, ceux d'essence de 1,6 million de barils (mb) et les distillats, qui comprennent le diesel et le fioul de chauffage, ont décliné de 1,7 mb.
Ces chiffres ont permis au baril de retrouver un peu de vigueur en fin d'échanges européens: le brut pour livraison en janvier cotait 45,72 dollars à Londres, en hausse de 30 cents, et il reprenait 30 cents à New York, à 47,26 dollars.