Un mois et demi après l'annonce de son plan d'aide aux banques touchées par la crise financière, la France en négocie toujours certaines modalités avec Bruxelles, une situation qui provoque un peu de crispation à Paris.
Une partie du plan, un système de garanties d'Etat pour les banques qui le demandent, a déjà reçu le feu vert de Bruxelles. Mais pas les mesures de recapitalisation des banques.
"Il n'y a pas encore d'accord sur le plan français, mais il y a des contacts très étroits", a dit samedi à l'AFP un porte-parole de la Commission européenne, Jonathan Todd.
Paris compte consacrer aux recapitalisations un maximum de 40 milliards d'euros, dont 10,5 milliards déjà réservés par six banques : BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole, la Caisse d'Epargne, la Banque Populaire et le Crédit Mutuel.
La ministre des Finances française Christine Lagarde et la commissaire à la Concurrence Neelie Kroes ont discuté du sujet au téléphone vendredi matin et "il y a une volonté des deux côtés de trouver un accord", a assuré Jonathan Todd.
Il n'a pas détaillé les points qui posaient encore problème.
Mais depuis le début de la crise financière, Bruxelles insiste sur le fait que l'intervention publique pour aider les banques doit faire l'objet d'une rémunération adéquate, s'accompagner de mesures compensant les distorsions de concurrence, et se limiter au strict nécessaire pour remédier à la perturbation créée par la crise dans l'économie.
D'après un responsable français toutefois, "la Commission dit des choses qui nous gênent" en demandant notamment à ce que les banques recapitalisées réduisent le volume de leurs prêts.
On peut considérer que les banques recapitalisées profitent d'un avantage concurrentiel comparé à celles qui ne le sont pas, et utilisent l'aide de l'Etat pour augmenter leur volume de prêts.
C'est une "approche stupide et ridicule" dans le contexte actuel de crise des liquidités, selon le responsable français, qui regrette que Bruxelles ne fasse pas de distinction entre les aides à la recapitalisation et le sauvetage de banques en faillite. Ce dernier doit généralement aller de pair avec des mesures de restructuration.
Le porte-parole de la Commission a jugé "exagéré" de parler d'un blocage du plan français par Bruxelles.
"Je ne pense pas qu'il y ait une telle volonté de la part de tel ou tel commissaire", a aussi estimé le président français Nicolas Sarkozy, interrogé en marge d'une conférence de l'ONU sur le financement du développement à Doha samedi.
"Il s'agirait que tout le monde comprenne qu'on a changé de monde et qu'il faut aller vite", a ajouté Nicolas Sarkozy, qui a précisé s'être "exprimé au téléphone avec (le président de la Commission José Manuel) Barroso hier (vendredi)".
Des responsables français avaient accusé à plusieurs reprises dans le passé la Commission d'être trop dogmatique dans l'application des règles de concurrence.
Avec la crise financière, elle s'est montrée plus souple, examinant plus vite que d'habitude les plans de sauvetage des gouvernements.
Mais "dès lors que la situation économique s'améliorera, la Commission va resserrer les boulons pour empêcher que les gouvernements ne profitent de la crise pour trop subventionner ou privilégier leurs entreprises", a récemment estimé Jean Pisani-Ferry, directeur du centre de réflexion Bruegel à Bruxelles.