Le gouvernement veut encourager le "tutorat" en entreprise, c'est-à-dire la transmission du savoir des aînés vers les plus jeunes, dans un contexte où certains craignent que les seniors ne soient les premiers écartés de l'emploi par la crise actuelle
"Le tutorat entre les générations est un outil sur lequel la France a trop peu travaillé jusque-là", a déclaré le secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi Laurent Wauquiez, à l'ouverture d'un sommet européen au Puy-en-Velay, consacré à l'emploi des seniors.
Ce dispositif permet de "faire une place pour un senior" et "en même temps de préparer la place d'un jeune", selon lui.
"Le but est de développer à la fois des formations et la reconnaissance des pratiques de tuteur avec un véritable système organisé au sein de l'entreprise", a-t-il ajouté.
Le gouvernement français a fait de l'emploi des seniors l'une de ses priorités, notamment pour faire reculer l'âge de départ à la retraite et s'adapter au vieillissement de la population.
La France fait partie des pays de l'Union européenne qui emploient le moins ses salariés au-delà de 55 ans. Avec seulement 38,3% des 55-64 ans actifs en 2007, elle se situe très en-deçà de la moyenne européenne (44,7%) et loin de l'objectif de 50% fixé au niveau communautaire, selon Eurostat.
Le tutorat pourrait être inscrit dans la prochaine loi sur la formation professionnelle, dès le premier trimestre 2009, selon M. Wauquiez.
Des "avantages incitatifs" seraient mis en place et les tuteurs bénéficieraient d'un "accompagnement financier" éventuellement financé par les fonds de la formation professionnelle, a-t-il précisé.
Certains pays européens ont déjà montré la voie, comme la Suède, meilleur élève en Europe en terme d'emploi des seniors (70%).
"Le coût salarial important en Suède incite les entreprises à utiliser au mieux les compétences existantes, et à transmettre les connaissances des salariés plus âgés vers les plus jeunes", a déclaré à l'AFP Sven Otto Littorin, ministre suédois de l'Emploi.
La Belgique, qui affiche un médiocre taux d'emploi des seniors (34,4%), a mis en place un "fonds d'expérience professionnelle": "concrètement, si un employeur prévoit que l'un de ses travailleurs seniors assure la formation d'un jeune, une partie du coût salarial de ce senior peut être remboursée (...) à hauteur de 30 à 50%", a expliqué un membre du cabinet de la ministre belge de l'Emploi, Joëlle Milquet.
Jean-Olivier Hairault, professeur d'économie, juge toutefois que le tutorat "n'est pas une mesure suffisante pour booster l'emploi des seniors, c'est quelque chose qui vient accompagner un processus déjà enclenché".
Et "derrière ce discours, j'ai peur que se cache une volonté de marginaliser les seniors, a-t-il ajouté, insistant sur la nécessité de ne pas les "cantonner" à ce seul domaine.
A l'heure de la crise économique et des plans sociaux, M. Wauquiez a aussi mis en garde contre "les vieilles tentations" qui consistent à utiliser les seniors comme des "variables d'ajustement".
"On peut craindre que les premiers à partir soient les plus de 55 ans", confirme M. Hairault.
Un phénomène auquel échapperont, selon lui, les pays ayant mis fin aux dispositifs de départ en retraite anticipé et où les taux d'emplois des seniors sont les plus élevés (pays scandinaves, Royaume-Uni).
Les accords et la législation suédois "font que ceux qui sont employés depuis longtemps dans une entreprise sont plus protégés que les autres. C'est plus dur pour les jeunes que pour les seniors", confirme le ministre suédois Otto Littorin.