Le Royaume-Uni a connu en octobre un ralentissement de l'inflation d'une ampleur plus vue depuis seize ans, faisant craindre aux économistes que la déflation redoutée dans le pays n'ait ainsi démarré sur les chapeaux de roue.
Après un pic de 5,2% sur un an en septembre, dû en particulier aux prix du pétrole et de l'alimentation, l'inflation s'est établie à 4,5% sur un an en octobre, là où les économistes attendaient un ralentissement bien moins prononcé, à 4,9% selon une compilation réalisée par la banque Calyon.
C'est le plus gros ralentissement mensuel depuis le début de la statistique, et il est dû en grande partie à la baisse des prix de l'alimentation et des carburants, à la suite d'une plongée des prix des matières premières sur les marchés actuellement.
Mais même l'inflation sous-jacente, qui exclut ces prix, a ralenti en octobre, passant de 2,2% à 1,9% sur un an.
Les prix de détail ont augmenté de 4,2% sur un an, là encore un fort ralentissement par rapport aux 5% de septembre.
Et ce mois ne sera pas isolé, assurent les économistes. Pour Howard Archer de IHS Global Insight, "l'inflation va tomber comme une pierre au cours des mois à venir".
Cela devrait permettre à la banque d'Angleterre d'être presque aussi agressive à l'avenir qu'elle l'a été début novembre en abaissant d'un coup d'1,5 point de pourcentage son taux directeur, à 3%.
Pour décembre, une nouvelle baisse significative est généralement attendue.
"Cinquante points de base sont le minimum minimorum, et nous pensons de plus en plus que (la banque) ira jusqu'à 100 points de base à 2%" indique M. Archer, qui pense que le taux pourrait atteindre 1% en 2009.
Pour Jonathan Loynes de Capital Economics, l'indice des prix "deviendra brièvement négatif d'ici un an, et celui des prix de détail pourrait atteindre -2%". "Pas besoin de dire que ce petit morceau de déflation (inflation négative, ndlr) aurait des effets positifs sur l'économie en donnant du tonus aux dépenses de consommation".
"Mais le danger", rappelle cet économiste, "c'est que le ralentissement de l'économie et le grand volume de capacité disponible créée finissent par aboutir à une période plus prolongée de baisse des prix" qui pourrait menacer de tourner en spirale déflationniste à la japonaise.
Une déflation, c'est-à-dire une baisse des prix prolongée, a de très mauvaises conséquences sur une économie, notamment parce qu'elle incite le consommateur à attendre que les prix baissent encore avant d'acheter, ce qui paralyse un peu plus l'activité.
Emporté par son irritation contre le leader conservateur David Cameron lundi soir au Parlement, le Premier ministre Gordon Brown, qui venait d'évoquer prudemment dans son discours la possibilité d'une "inflation proche de zéro", a lancé: "Il ne semble pas réaliser qu'alors qu'au cours des derniers mois le problème était l'inflation, l'an prochain le problème sera la déflation".
Le gouvernement britannique, qui peut s'attribuer la paternité du plan de sauvetage des banques qui a évité une catastrophe financière mondiale le mois dernier, dispose à présent d'une nouvelle carte importante à abattre.
Lundi en effet, le ministre des Finances Alistair Darling présentera les grandes lignes du budget 2009-2010 (le "pré-budget"). Un plan de relance, sous forme de dépenses ou de baisses d'impôts, devrait être annoncé.
Le Fonds monétaire international (FMI) a recommandé ce week-end que de tels plans puissent tourner autour de 2% des Produits intérieurs brut (PIB), soit pour le Royaume-Uni 30 milliards de livres (36 milliards d'euros).