L'Allemagne, plus grande économie de la zone euro, est entrée en récession pour la première fois depuis cinq ans, selon des chiffres annoncés jeudi, et va probablement y rester engluée pendant de nombreux mois.
Le produit intérieur brut, baromètre de la santé économique d'un pays, a reculé de 0,5% au troisième trimestre comparé au précédent, un chiffre encore provisoire donné par l'Office fédéral des statistiques (Destatis).
Le résultat est nettement plus mauvais que prévu. Après une baisse de 0,4% au deuxième trimestre, le pays se retrouve donc en "récession technique".
Le retournement est brutal. Au premier trimestre, l'Allemagne bravait encore la crise qui touchait déjà durement les Etats-Unis, grâce à la compétitivité de son industrie et la force de ses exportations dans les pays d'Europe de l'Est, eux aussi relativement épargnés par le marasme.
Au premier trimestre, elle avait encore affiché une progression de 1,4% de son PIB par rapport au trimestre précédent.
Aujourd'hui, "l'Allemagne est en récession, et plus profondément que nous ne le pensions", note Martin Lueck, économiste chez UBS. Le traditionnel moteur de la croissance, les exportations, a fini par s'enrayer. Le ministère de l'Economie a récemment fait état d'une chute de 8% des entrées de commandes industrielles. Celles venant de l'étranger se sont effondrées de plus de 11%.
La consommation privée, même si elle a légèrement augmenté l'été dernier souligne Destatis, n'est pas en mesure de prendre le relais. Avec la remontée du chômage prophétisée de toutes parts dans les mois à venir, les dépenses des ménages sont appelées à rester timorées.
Quant à la remontée plutôt surprenante des stocks industriels dont fait état l'Office au troisième trimestre, elle est sans doute liée au fait que les entreprises n'ont pas pu réduire aussi rapidement qu'elles le souhaitaient leur production face à la baisse de leurs commandes, si bien qu'elles ont -contre leur gré- augmenté leurs réserves, constatent des experts.
Mais des "ajustements" de production, comme les fermetures d'ateliers pendant les fêtes et le départ de milliers d'intérimaires déjà en vigueur chez les constructeurs automobiles, sont appelés à s'étendre au quatrième trimestre.
Le gouvernement mise toujours officiellement sur une croissance de 1,7% cette année. Mais le pari semble désormais perdu. La plupart des économistes attendent une nouvelle contraction du PIB au dernier trimestre et jusqu'au moins la mi-2009.
"La fin de cette phase de faiblesse n'est pas en vue pour le moment", remarque Jörg Lüschow, économiste à la WestLB. Et la probabilité d'une contraction du PIB sur l'ensemble de l'an prochain gagne en force.
Berlin mise encore sur une croissance modeste de 0,2% en 2009. "Nous allons vers une situation où pour finir nous passerons peut-être de la stagnation à la récession", a toutefois jeudi reconnu le ministre des Finances Peer Steinbrück.
La piètre performance du PIB allemand au troisième trimestre laisse présager un déclin plus prononcé au niveau de la zone euro. Eurostat, l'office européen des statistiques, doit publier son estimation vendredi.
"Pour l'Allemagne et les autres économies de la zone euro, cette récession sera probablement la pire depuis celle des années 1992/93", qui avait suivi la réunification allemande, considère Holger Schmieding, économiste à la Bank of America.