Après avoir aidé son secteur financier l'Allemagne va soutenir son "économie réelle", à bien moindre échelle, avec une série de mesures coûtant 23 milliards sur quatre ans dont le caractère ciblé et hétéroclite prête le flanc à la critique.
La chancelière Angela Merkel en avait déjà dévoilé certaines, et mercredi tout le catalogue a été publié, sous le nom de "filet de protection pour l'emploi".
Des mesures destinées à stimuler l'investissement -- Berlin en attend 50 milliards d'euros par le seul effet de ses impulsions --, relancer la consommation des ménages et préserver un million d'emplois.
Ce "filet" prévoit notamment un changement des règles comptables sur l'amortissement -- la mesure la plus coûteuse, avec un manque à gagner fiscal de 13 milliards d'euros d'ici 2012 --, le renforcement d'un programme de rénovation écologique des bâtiments, une exonération de la taxe sur les voitures neuves, ou encore des investissements publics dans les infrastructures de transport.
Objectif: "Construire un pont jusqu'à ce que les choses aillent mieux en 2010", a expliqué la chancelière Angela Merkel.
Le tout pour un coût total estimé de 23 milliards d'euros sur quatre ans pour l'Etat fédéral, les Etats régionaux et les communes. Et l'abandon par Berlin de son objectif d'équilibre budgétaire à horizon 2011. En comparaison, le gouvernement est prêt à mettre près de 500 milliards d'euros sur la table pour aider le secteur financier en déroute.
L'économie allemande, singulièrement l'industrie, commence à être durement touchée par le recul de la demande mondiale. Les constructeurs automobiles sont les premières victimes, mais aussi les fabricants de machines-outils, de produits de consommation, ou encore l'industrie chimique. Daimler, BMW, Opel ont déjà mis une partie de leurs salariés au chômage technique.
A moins d'un an des prochaines échéances électorales nationales, et alors que le nombre de sans emplois vient de repasser sous la barre des 3 millions pour la première fois depuis 16 ans, Berlin se devait d'agir.
Opposée à un programme de soutien à la conjoncture "classique", synonyme de lourdes dépenses publiques, ainsi qu'à une baisse d'impôts telle que la réclamaient certains, le gouvernement a opté pour des incitations "avec un effet de levier", a expliqué le ministre des Finances Peer Steinbrück, incitations qui doivent relancer certains secteurs sans que l'Etat n'ait à mettre trop profondément la main à la poche.
Mais le caractère arbitraire et hétéroclite du projet l'expose à la critique. "Des mesures ponctuelles sans concept global et sans force de frappe", dénonçait mercredi la fédération des pme de droite MIT. "Bric-à-brac" de mesures, "feu de paille (...) qui ne réchauffe pas", ont critiqué les dirigeants des partis d'opposition.
"Nous nous opposons à des aides à l'investissement et voulons des mesures claires pour soulager les ménages", plaidait pour sa part Josef Sanktjohanser, président de la fédération du commerce de détail HDE, dans une lettre à la chancelière.
Même le ministre de l'Economie Michael Glos, pourtant un de ses artisans, admettait que ce programme "aurait pu être plus vaste".
Désabusé, son collègue M. Steinbrück constatait qu'une telle initiative s'exposait toujours aux critiques: "Pour certains c'est trop et pour d'autres c'est trop peu".
Selon lui, certes l'économie allemande se prépare à des temps difficiles, mais elle va aussi bénéficier de deux coups de pouce majeurs l'an prochain: un niveau moindre de l'euro par rapport au dollar qui va avoir "un effet décisif, sur l'industrie automobile notamment", et la baisse des prix de l'énergie, "plus gros programme de soutien à la consommation".