Face à la récession qui menace en zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) devrait nettement réduire son principal taux directeur jeudi, lors de la réunion de son conseil des gouverneurs, et continuer sur cette lancée dans les mois à venir.
L'écrasante majorité des 47 économistes sondés par l'agence Dow Jones Newswires parie sur une baisse d'un demi-point de pourcentage, à 3,25%, du taux de refinancement, qui détermine le niveau du crédit en zone euro.
Le président de la BCE Jean-Claude Trichet a lâché les mots-clés en disant il y a une semaine qu'une baisse de taux était "possible" lors de cette réunion. Les marchés la tiennent désormais pour acquise.
Les Etats européens quant à eux l'espèrent, a déclaré la ministre française des Finances, Christine Lagarde, dont le pays préside l'Union européenne.
"Nous retenons notre souffle", a-t-elle ajouté mardi à la presse à l'issue d'une réunion avec ses collègues à Bruxelles.
En un mois, le taux sera tombé d'un point de pourcentage, en comptant l'action concertée du 8 octobre, un retournement complet et brutal de la politique monétaire. En juillet encore, la BCE avait resserré les conditions du crédit pour lutter contre des risques de surchauffe inflationniste.
Menace qui paraît à présent écartée: la chute des prix des matières premières et les premiers effets du ralentissement de la conjoncture ont déjà fait descendre le taux d'inflation en zone euro à 3,2% en octobre sur un an, son plus bas niveau depuis neuf mois, après 3,6% le mois d'avant et un pic à 4% en juillet.
C'est toujours supérieur à l'objectif de la BCE d'un taux légèrement inférieur à 2% à moyen terme, mais à la vitesse où elle freine, l'inflation devrait rapidement rentrer dans le rang.
La détérioration du marché de l'emploi - la Commission européenne prédit désormais un taux de chômage en hausse d'un point à 8,7% d'ici 2010 - réduit la marge des salariés dans leurs revendications salariales et donc les effets de "second tour", c'est-à-dire une inflation alimentée par des salaires élevés, tant redoutée par la BCE.
Aujourd'hui, alors que la crise financière s'est intensifiée et contamine déjà l'économie réelle, la BCE n'a d'autre choix que de rétrograder rapidement.
La Commission européenne a dressé lundi un tableau très sombre de la conjoncture en zone euro. Dans ses nouvelles prévisions, elle mise sur une récession technique, avec un recul du produit intérieur brut sur les trois derniers trimestres de 2008.
Pour l'an prochain, elle s'attend à une croissance quasi nulle (+0,1%), après +1,2% en 2008.
Les économistes misent en majorité sur un nouvel abaissement des taux directeurs en décembre, d'un quart de point. A cette date, la BCE devrait elle aussi annoncer un abaissement de ses prévisions trimestrielles de croissance et d'inflation.
Et ce jeudi, Jean-Claude Trichet va sans doute souligner une nouvelle détente sur le front de l'inflation, façon "d'ouvrir la porte" à une nouvelle baisse de taux dans un mois, estime la DekaBank dans une étude.
A la mi-2009, le principal taux de la zone euro sera sans doute tombé entre 2 et 2,50%, selon les estimations des économistes. Aux Etats-Unis, il est désormais à 1%, et pourrait diminuer encore.