
Après trois jours consécutifs d'interruption, la Bourse de Reykjavik a rouvert mardi dans un nouveau format, amputée de ses valeurs financières qui formaient l'essentiel de son fonds de commerce et la pierre angulaire de l'économie du pays nordique.
En raison de "conditions de marché inhabituelles", la place boursière islandaise était fermée depuis jeudi, après avoir perdu plus de la moitié de sa capitalisation totale depuis le début de l'année.
Stupeur à la réouverture, un instant très attendu, mardi: l'indice OMX15 décroche de 76% par rapport à la dernière cotation mercredi.
Un plongeon en trompe l'oeil: entre-temps, les grosses valeurs bancaires, qui représentaient environ les trois-quarts de l'indice, ont été radiées de l'OMX15.
A format comparable, le recul de l'indice était beaucoup plus limité. Trois heures après l'ouverture, l'OMX15 abandonnait plus de 5%.
"Nous avons ôté les trois grandes banques de l'indice. Avant, elles représentaient 75% de l'indice. Quand on ne les inclue plus, l'indice tombe mécaniquement à 25% de sa valeur initiale", explique à l'AFP, la porte-parole de la Bourse, Kristin Johannsdottir.
A court de liquidités sous l'effet de la crise financière, et passées ou en voie de passer sous contrôle public en Islande, Kaupthing, Landsbanki et Glitnir ne sont donc plus cotées.
Les échanges sur trois autres valeurs financières --Spron (Reykjavik Savings Bank), Straumur-Burdaras et Exista-- ont été aussi supendus jusqu'à nouvel ordre par le régulateur islandais des services financiers.
C'est un coup dur pour l'économie islandaise, largement basée sur son secteur financier, qui représente huit à dix fois son Produit intérieur brut (PIB).
Ile de 313.000 habitants et non membre de l'Union européenne, l'Islande était jusqu'à la crise l'un des Etats les plus riches de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Au cours des 10 dernières années, la croissance atteignait en moyenne 4% par an, avec un pic de 7,7% en 2004.
Sur les 23 sociétés normalement cotées à la Bourse de Reykjavik, ce sont par conséquent six valeurs qui ne sont plus cotées à l'heure actuelle.
Avant, "c'était plus ou moins une Bourse de valeurs financières", déclare à l'AFP Thordur Fridjonsson, le directeur général de l'opérateur boursier, OMX Reykjavik. Aujourd'hui, "les entreprises financières sont laissées de côté et elles ne reviendront probablement pas avant un certain temps", ajoute-t-il.
"Ce matin, on a eu une légère tendance baissière. Je suis soulagé parce qu'il y avait pas mal de monde à penser qu'on aurait un plongeon", précise-t-il.
Dans la salle de marché, une pièce modeste d'un immeuble excentré, l'ambiance est sereine. Après plusieurs jours d'oisiveté forcée, les traders, une demi-douzaine, retrouvent leurs écrans, où la couleur dominante reste le rouge.
Les seuls aboiements sont ceux de journalistes anglais à qui l'on refuse de filmer la reprise des tout premiers échanges.
"Vous devez comprendre: nous avons besoin d'un peu d'espace pour respirer", tente de leur expliquer la porte-parole, Kristin Johannsdottir.
Mi-goguenard, mi-sérieux, un agent de sécurité, les bras croisés, fait barrage. Il vient tout juste de prendre ses fonctions: avant la suspension des échanges, l'entrée de la Bourse n'était pas gardée.
"Il s'agit juste d'une précaution. Beaucoup de personnes sont en colère ces jours-ci", affirme-t-il.