Dans son budget 2009, le gouvernement s'éloigne encore de l'engagement pris auprès de ses partenaires européens de ramener à zéro le déficit public de la France en 2012, mais Bruxelles semble prêt à fermer les yeux si Paris ne franchit pas la ligne rouge des 3% du PIB.
"Paris sera à nouveau parmi les mauvais élèves de la zone euro" l'an prochain, aux côtés de la Grèce, du Portugal et l'Italie, constate Frédéric Ducrozet, économiste au Crédit Agricole.
En 2009, le gouvernement va se contenter de stabiliser le déficit public (Etat, collectivités locales, comptes sociaux) à 2,7% comme cette année, alors qu'initialement, il avait prévu de le ramener à 2,3% dès 2008.
Touchée par la crise financière et menacée de récession, la France va faire jouer les "stabilisateurs automatiques", en laissant filer le déficit de l'Etat dans la mesure où il résulte d'une baisse des recettes fiscales et non d'une augmentation des dépenses.
Et ce avec l'assentiment tacite de Bruxelles.
La Commission européenne avait rappelé à l'ordre la France en juin sur le dérapage de son déficit, mais lui avait finalement octroyé un répit il y a deux semaines lors de la réunion des ministres européens des Finances à Nice.
Vendredi, elle s'est refusée à commenter immédiatement le budget 2009, mais, selon des sources proches du dossier, elle pourrait opter pour la clémence.
Elle semble avoir choisi de ne pas accabler la France au moment où celle-ci préside l'UE et où tous les pays de la zone euro sont touchés par la crise.
A condition toutefois que Paris ne dépasse pas la barre des 3% de déficit public, plafond imposé par le Pacte de stabilité et de croissance.
D'après son projet de budget 2009, Paris devrait éviter cet écueil, même si le gouvernement ne commence à résorber ses déficits qu'à partir de 2010.
La France table sur 2% en 2010, 1,2% en 2011 et 0,5% en 2012, renonçant à l'objectif d'un déficit nul en 2012 comme elle s'y était engagée auprès des autres membres de la zone euro en 2007. Avec déjà deux ans de retard par rapport aux promesses du gouvernement Villepin.
Ses partenaires avaient également convenu de ramener leur dette publique sous la barre de 60% du PIB d'ici 2010.
Là aussi, Paris est sur la mauvaise pente: la dette française va grimper l'an prochain à 66% du PIB, après 65,3% prévus cette année, et ne devrait redescendre qu'à 61,8% en 2012.
En outre, ses prévisions de croissance, prudentes pour 2009 avec une fourchette de 1 à 1,5%, sont très optimistes ensuite, à 2,5% par an jusqu'en 2012, un rythme quasiment jamais observé sur trois années consécutives.
Guillaume Menuet, économiste chez Merrill Lynch, juge d'ailleurs que les objectifs affichés par Paris seront "très difficiles à tenir" et n'exclut pas que le déficit public "dépasse la limite des 3%".
Lors d'une conférence de presse vendredi, la ministre de l'Economie Christine Lagarde a réfuté l'idée que les prévisions 2010-2012 soient trop optimistes, tablant sur un rebond après deux années de croissance faible et sur un effet positif des réformes menées.
Elle a aussi nié que le gouvernement ait repoussé l'objectif d'un déficit public zéro, affirmant que le chiffre de 0,5% anticipé pour 2012 était "proche de l'équilibre" en termes de finances européennes.
"Je juge les performances de la France sur les années 2008 et 2009 satisfaisantes et les perspectives peu alléchantes", a commenté pour sa part Jean-Claude Juncker, chef de file des ministres des Finances de la zone euro.