
L'accélération de la crise financière et la difficulté d'évaluer son impact sur l'économie compliquent l'élaboration d'un budget 2009 déjà "très tendu", alors que la fiscalité verte, toujours en suspens, ajoute encore aux incertitudes.
"Normalement, à cette période, les choses sont calées. Là il y a un peu de retard, c'est un budget très, très tendu", confie-t-on au ministère du Budget à une semaine seulement de la présentation du projet de loi de finances (PLF) finalement fixée à vendredi prochain, après plusieurs changements. Le président Nicolas Sarkozy attendra, lui, jeudi pour préciser les orientations économiques de la France en cette période de crise.
Principale cause de ce retard: la brutale dégradation des perspectives économiques en raison de l'impact de la crise financière internationale, dont les effets sur la France restent encore très difficiles à estimer.
Autant de nouvelles inconnues à intégrer en urgence dans l'équation budgétaire qui, en prime, devra pour la première fois de son histoire s'inscrire dans un cadre triennal (2009-2011).
La clef pour réussir un budget est de le fonder sur une prévision de croissance la plus exacte possible car s'il est possible d'ajuster les dépenses (enveloppes ministérielles, effectifs dans la fonction publique, retraites, intérêt de la dette, etc.), les recettes fiscales sont liées au niveau de l'activité économique.
Pour 2008, le gouvernement avait construit son budget sur une hypothèse de croissance de 2,25%. Et il ne table désormais plus que sur une progression du PIB de l'ordre de 1%... Selon le ministre du Budget, Eric Woerth, cela se traduira par un manque à gagner de 5 milliards d'euros pour l'Etat, principalement sur l'impôt sur les sociétés et sur le revenu. Des parlementaires avancent le chiffre de 7 milliards.
Pour 2009, gouvernement et experts sont dans le flou et risquent de le rester jusqu'à ce que la tourmente financière s'apaise, mais tous avertissent déjà que 2009 ne pourra pas être une bonne année pour la croissance, en Europe ou en France.

Quant à 2010 et 2011, on ne peut qu'espérer que le choc sera encaissé et que la croissance aura rebondi d'ici là.
Pour les experts de Bercy, le PLF prend donc plus que jamais des allures de casse-tête: "on peut imaginer que la crise financière ait un impact sur les recettes fiscales, après, sur les chiffres, on fait de la science fiction".
Dans ce contexte très tendu, l'élaboration du budget est en outre marquée par des revirements répétés au sein du gouvernement sur la fiscalité écologique promue par le ministre du Développement durable, Jean-Louis Borloo.
Vendredi soir, à l'issue d'une réunion d'arbitrage à laquelle participaient le chef de l'Etat, Jean-Louis Borloo et sa secrétaire d'Etat, Nathalie Kosciusko-Morizet, ainsi que MM. Eric Woerth, ministre du Budget, et Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'Industrie, Nicolas Sarkozy s'est déclaré favorable à une "deuxième expérimentation du bonus-malus" à condition qu'elle ne concerne pas les produits de grande consommation, ceci afin de préserver le pouvoir d'achat des Français.
Le chef de l'Etat a voulu ménager à la fois son Premier ministre, François Fillon, qui avait exclu à Rome les taxes vertes et l'extension du bonus-malus appliqué aux voitures à d'autres produits, et Jean-Louis Borloo, favorable lui à l'extension du bonus-malus.
Selon un communiqué de l'Elysée, le président de la République a demandé à M. Borloo et à Mme Kosciusko-Morizet de réunir "un groupe de travail" pour déterminer la famille de produits concernés par cette nouvelle expérimentation.
Ce groupe de travail devrait réunir "toutes les parties intéressées, notamment les parlementaires, les associations de consommateurs, les ONG environnementales, les représentants des industriels, etc".