Le trading à haute fréquence, qui repose sur des transactions financières effectuées à la nanoseconde, peut conduire à de multiples dérives et doit être impérativement encadré au niveau européen, selon le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers Thierry Francq.
"Le trading à haute fréquence ("high frequency trading", HFT) est un sujet de préoccupation majeure pour les régulateurs", explique-t-il dans une interview accordée à l'AFP à l'occasion de la présentation d'un rapport du gendarme de la Bourse sur les risques qui pèsent sur les marchés financiers.
"Ce mode de transaction peut favoriser un +krach éclair+ comme ce fût le cas à Wall Street", rappelle-t-il.
Le 6 mai 2010, le Dow Jones, l'indice de référence de la Bourse de New York, avait chuté de près de 10% en quelques minutes avant de remonter tout aussi rapidement.
"En Europe, nous ne sommes absolument pas à l'abri d'un incident de ce type. On l'ignore bien souvent mais il y a déjà eu des +mini-krachs+ à la Bourse de Paris. Ils n'ont certes pas eu de conséquences graves, mais nous ne devons pas sous-estimer ce problème", souligne M. Francq.
Un autre point épineux est, selon lui, que "les traders employant cette pratique fassent fuir les investisseurs traditionnels qui eux n'ont pas accès à cette technologie".
Le HFT nécessite en effet des ordinateurs ultra-puissants, capables d'exécuter des ordres à toute vitesse et de tirer ainsi profit des écarts de prix minimes sur une même valeur.
L'AMF n'a pas la compétence pour édicter des règles pour encadrer le HFT.
Si en revanche, une fois que la transaction est effectuée une anomalie est détectée "une alerte s'enclenche". "Elle est ensuite analysée par nos services et cela peut éventuellement conduire à l'ouverture d'une enquête", explique M. Francq.
Un travail de Titan. "A ce stade, aucune sanction n'a été prononcée à la suite d'éventuelles dérives liées au HFT", reconnaît-il, tout en précisant que "des enquêtes sont en cours sur le sujet".
Plusieurs pistes méritent d'être étudiées pour encadrer cette pratique.
Le secrétaire général propose de donner à l'ESMA (European Securities and Markets Authority), le régulateur européen des marchés financiers mis en place en janvier 2011, "la capacité d'agir sur la latence (temps entre le passage et l'exécution) d'un ordre en Bourse, voire d'imposer un écart de cours minimal entre deux ordres".
En ce qui concerne les prix pratiqués par les opérateurs boursiers, il souhaite que l'on s'inspire "de ce qui se fait aux Etats-Unis où la SEC, le régulateur boursier américain, valide les tarifs".
La directive MIF (marchés d'instruments financiers), entrée en vigueur en 2007, a fait voler en éclat le monopole des Bourses traditionnelles et favorisé l'apparition de nombreuses plates-formes alternatives qui proposent des coûts de transaction à bas prix.
"Il ne s'agit pas pour nous d'inhiber la concurrence, mais nous devons veiller à ce que la structure tarifaire des Bourses ne favorise pas un type d'acteur en particulier", indique le secrétaire général, nommé en février 2009.
"Nous plaidons également pour une mutualisation des moyens de surveillance des marchés entre les différents pays européens", ajoute-t-il.
Enfin, "nous souhaitons une homogénéisation des règles de coupe-circuit", (système informatique utilisé pour stopper toute transaction en cas de trop fortes fluctuations, ndlr) pour, en cas d'incident, éviter tout risque de contagion entre les marchés".
La Commission européenne doit proposer en juillet une réforme de la directive MIF.