
Brxelles a proposé mercredi de mettre les agriculteurs "au vert" en conditionnant une partie des aides au respect de l'environnement, et de rendre la politique agricole commune (PAC) plus équitable en plafonnant les subventions, malgré les réticences du secteur.
"Une rédéfinition de la PAC est nécessaire", a jugé le commissaire chargé de l'Agriculture, le Roumain Dacian Ciolos, en présentant sa réforme des subventions agricoles européennes à compter de 2014.
Il a notamment proposé de lier 30% des aides versées aux quelque 12 millions d'exploitations de l'Union européenne à des pratiques plus "vertes" comme la diversification des cultures, le maintien de pâturages permanents, et la préservation de réservoirs de biodiversité ou d'éléments de paysage sur au moins 7% des surfaces arables.
Dacian Ciolos a plaidé pour un tournant vers des "pratiques de production durable", alors que l'UE a des années durant poussé les agriculteurs "sur la voie d'une productivité sans contrainte".
Autre proposition-phare: le plafonnement des aides, qui seront dégressives à partir de 150.000 euros par an et par ferme, et ne pourront pas dépasser les 300.000 euros.
L'Allemagne ou encore le Royaume-Uni --où les fermes de la couronne d'Angleterre engrangent chaque année des centaines de milliers d'euros de subventions-- sont opposés au plafonnement, brandissant le risque d'un morcellement de leurs grandes exploitations.
Ces dernières sont toujours plus nombreuses dans l'UE: en sept ans, le nombre de fermes a diminué de 20% pour une réduction de seulement 2% de la superficie agricole, selon Eurostat.
Critiquée par la Cour des comptes européenne pour avoir versé des aides à des clubs de golf ou à des aéroports, la PAC sera par ailleurs réservée à l'avenir à des "agriculteurs actifs".

Appelant à un changement de "paradigme", Dacian Ciolos a aussi plaidé pour l'introduction dans les Etats d'un système de paiement unique à l'hectare qui devrait rééquilibrer progressivement les subventions au profit de l'agriculture extensive.
Toutefois, on est encore loin d'un rééquilibrage équitable des enveloppes allouées à chaque Etat. La France continue d'être le premier bénéficiaire et perdra relativement peu, tandis que les pays d'Europe de l'Est continueront à toucher des primes à l'hectare nettement en deçà de la moyenne européenne.
A Bruxelles, des dizaines d'agriculteurs baltes ont protesté contre ce compromis qu'ils jugent désavantageux.
"La politique, plus encore au niveau européen, c'est l'art du possible et des équilibres", a convenu M. Ciolos. "Le plus important est d'impulser un mouvement dans la bonne direction", a-t-il estimé.
Ses propositions feront désormais l'objet de négociations entre les députés européens et les 27 gouvernements. Ces discussions seront ardues.
Mercredi, le ministre italien de l'Agriculture a jugé la réforme "globalement insatisfaisante", tandis que son homologue britannique a critiqué des propositions qui "en l'état nous ramènent en arrière".
La principale organisation d'agriculteurs en Europe, le Copa-Cogeca, s'en est prise au principe des jachères écologiques, "illogique alors que la demande alimentaire mondiale devrait augmenter de 70% d'ici à 2050".
Pour les ONG environnementales au contraire, la proposition ne va pas assez loin. Selon Greenpeace, il s'agit d'une "mauvaise nouvelle pour l'environnement, pour les contribuables et pour les fermiers qui veulent produire de manière responsable".
Quant à Olivier De Schutter, expert de l'ONU sur le droit à l'alimentation, il s'en est pris au niveau des subventions agricoles, qui représenteront encore en 2019 50,2 milliards d'euros (33% du budget de l'UE). Selon lui, "des subventions agricoles de cette ampleur engendreront toujours des distorsions" dans les pays en développement.