
EPR finlandais menacé d'un retard supplémentaire, risques de provisions financières et de reports d'investissements: Areva fait face à de nouvelles incertitudes au moment où le géant nucléaire français s'efforce de convaincre de la viabilité de l'atome post-Fukushima.
"Il est possible que nous prenions la décision de lisser ou de décaler certains investissements pour limiter les risques et améliorer notre situation financière", a averti le nouveau patron d'Areva Luc Oursel, auditionné mercredi par une trentaine de députés à l'Assemblée nationale.
Dans un contexte "d'incertitude", Areva, dont l'Etat est actionnaire à 87%, doit présenter en décembre un plan stratégique prenant en compte les conséquences de l'accident nucléaire japonais, qui a déjà affecté ses perspectives, a rappelé M. Oursel.
D'éventuelles provisions financières "s'il y en a besoin", seront également décidées à ce moment-là, a expliqué le successeur d'Anne Lauvergeon, en poste depuis quatre mois.
Le dirigeant était justement en train de présenter sa stratégie aux parlementaires qu'une mauvaise nouvelle est venue de Finlande; TVO, le producteur finlandais d'électricité pour lequel Areva construit son premier EPR, annonçait un possible nouveau retard de la mise en service.
Alors que le calendrier déjà plusieurs fois repoussé du réacteur d'Olkiluoto s'était arrêté à une mise en service complète fin 2013 (avec une fin de chantier fin 2012), TVO a indiqué que la mise en service pourrait devoir attendre 2014, (contre 2009 à l'origine).
M. Oursel, qui était en Finlande lundi pour visiter le chantier achevé "à 80%", visiblement agacé, s'est dit "surpris par une déclaration un peu anticipée qui ne correspond pas tout à fait à l'esprit de coopération et de partenariat que je souhaite sur le chantier".

Coût "astronomique" de l'EPR finlandais
Areva table toujours sur l'ancien calendrier sous réserve d'autorisations qu'on lui a promis, a-t-il affirmé.
Cette nouvelle confusion autour de l'EPR finlandais, dont le chantier dure depuis six ans sur fond de conflit larvé entre Areva et TVO, intervient alors que beaucoup anticipent un douloureux toilettage dans les comptes du français.
Mardi, le député socialiste Marc Goua, rapporteur spécial chargé d'étudier les comptes d'Areva, a présenté un pré-rapport à la Commission des finances dans lequel il se montre circonspect.
"Rien n'indique que ce soit la dernière", écrit-il ainsi à propos de la huitième provision passée cette année pour l'EPR finlandais, dont le coût final, déjà évalué à 5,6 milliards d'euros, "sera certainement astronomique".
Autre motif d'inquiétude selon lui: le rachat en 2007 pour 2,5 milliards de dollars d'UraMin, dont les réserves minières d'uranium ont été nettement revues à la baisse depuis. Et il y a quatre ans, les cours de l'uranium était au plus haut...
M. Oursel a tenu à convaincre les députés: en Chine, en Inde, dans plusieurs pays européens et aux Etats-Unis, le nucléaire a toujours la cote.
"Il n'y a pas eu de coup d'arrêt à proprement parler et à moyen terme les perspectives de marché et de développement des capacités nucléaires restent là", a-t-il dit, même si, pour l'heure, des projets sont reportés de plusieurs mois, voire de plusieurs années.
"A court terme, ce que nous devons faire, c'est gérer une période d'incertitude avant que les activités ne reprennent de façon significative", a-t-il dit, en plaidant pour qu'Areva se recentre sur ses clients, dont EDF (25% du chiffre d'affaires).
La bonne nouvelle mercredi est venue du Brésil: selon son patron, Areva devrait "très probablement" remporter un contrat d'environ 1 milliard d'euros pour aider à achever la centrale nucléaire inachevée d'Angra 3, dont le chantier a repris en 2010 après 25 ans d'arrêt.