L'Espagne est parvenue jeudi à emprunter 3,3 milliards d'euros mais à un prix trop élevé, une opération considérée comme "l'épreuve du feu" par les marchés au moment où ce pays et l'Italie sont pénalisés par un vaste mouvement de défiance des investisseurs.
Pour les émissions obligataires précédentes, la demande n'avait jamais été un problème, étant généralement trois à quatre fois plus élevée que les besoins du Trésor.
Cette fois, elle a atteint 7,4 milliards d'euros, le double de l'objectif fixé (2,5 à 3,5 milliards). Au final, Madrid a levé 3,311 milliards.
Mais le pays a pâti de la tension sur les marchés, devant accorder à ses créanciers des taux d'intérêt en forte hausse par rapport aux dernières émissions similaires, à 4,813% pour ses bons à trois ans (contre 4,037%) et 4,984% pour ceux à quatre ans (contre 2,862%).
Cette augmentation, qui signifie un coût de financement plus élevé pour l'Espagne, était attendue.
Mais Madrid "a (déjà) couvert plus des deux tiers de ses besoins de financement pour cette année", assurait mercredi la ministre de l'Economie Elena Salgado.
"C'est bien de montrer encore la capacité de l'Espagne à recourir aux marchés" pour se financer, avait-elle souligné, écartant toute annulation ou report de cette émission.
Le Trésor espagnol a pourtant pris les devants pour garantir que cela se passe bien: selon le journal El Mundo, qui cite des sources financières, il avait noué un accord avec 22 entités financières du pays, chacune s'engageant à acheter 3% de l'émission.
Au total, les deux tiers de l'objectif visé par l'Etat, soit 2,3 milliards d'euros, étaient donc assurés de trouver preneur.
"Cela ne me surprend pas", commente Montserrat Formoso, de la maison de courtage Tressis. "La participation des investisseurs étrangers aux émissions (espagnoles) est moindre que l'an dernier, donc la présence d'investisseurs nationaux est vraiment nécessaire pour garantir le succès", explique-t-il.
D'autant que "le fait que l'émission se passe bien est fondamental, car c'est un thermomètre pour la situation actuelle".
"Oui, nous arrivons à nous financer, mais à coût très élevé", note l'analyste Ivan San Felix, de Renta4.
"Les investisseurs continuent de participer (aux émissions espagnoles), cela donne confiance, mais il faut que le coût baisse", a-t-il ajouté.
Car prêter de l'argent à l'Espagne est aussi une opération intéressante pour les investisseurs, ravis que ce pays les rembourse avec des taux d'intérêt élevés, ce qui renforce l'idée, partagée par plusieurs analystes, que les tensions du marché sont aussi dues à un mouvement spéculatif.
"Les niveaux élevés de rentabilité, l'échéance séduisante des obligations (proposées jeudi, ndlr), et une demande en partie assurée par les agents du marché (...) ont permis à l'émission d'atteindre la fourchette haute de l'objectif", estime l'équipe de stratégistes de Ahorro Corporacion.
Avant même l'émission, les analystes de Bankinter disaient attendre "un niveau acceptable de demande, ce qui pourrait calmer, de manière transitoire, la pression sur les marchés de la dette".
Signe de cette légère détente constatée jeudi, la prime de risque, différentiel de rendement entre les obligations espagnoles et allemandes à 10 ans, était à 373 points à 11H00 GMT, bien loin du record historique atteint la veille (407).
La Bourse madrilène était pourtant dans le rouge, perdant 0,34% à la même heure, après avoir ouvert en hausse.
Mais pour vraiment calmer les marchés, "il faut des réponses non seulement de l'Espagne mais aussi, comme le demande actuellement (le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero), des réponses de plus haut" niveau, estime Mme Formoso.
Dans ce cadre, poursuit-elle, "le rendez-vous le plus important va être la Banque centrale européenne aujourd'hui", avec un discours du gouverneur Jean-Claude Trichet attendu dans l'après-midi.
Pour apaiser les tensions, "une intervention concrète (en achetant de la dette des pays comme l'Espagne ou l'Italie, ndlr) n'est pas nécessaire, mais (au moins) une disposition à le faire, un intérêt, (qu'il dise) +nous sommes derrière vous+".