Le gouvernement tunisien a lancé mercredi une offensive de charme auprès des investisseurs français, vantant les acquis de la Révolution du Jasmin en dépit des incertitudes qui pèsent sur le devenir politique et économique de leur pays.
Quatre ministres -Jalloul Ayed (Finances), Mehdi Houas (Commerce et Tourisme), Yassine Brahim (Transports et Equipement) et Saïd Aïdi (Formation profesionnelle et Emploi)-, ont fait salle comble au Medef, s'exprimant devant quelque 300 responsables économiques des deux rives de la Méditerranée.
Leur message: "Il est temps aujourd'hui de ne plus regarder la Tunisie comme une source d'emplois bon marché mais comme une opportunité de création de valeur, d'accès à de nouveaux marchés en Afrique subsaharienne, au Maghreb, au Moyen-Orient et même en Europe".
Les investisseurs français, a enchaîné Jalloul Ayed, pourraient "faire beaucoup plus et beaucoup mieux que les 800 millions d'euros d'investissements" de 2010.
"Les mesures que nous en sommes en train de prendre pour la promotion de l'investissement, pour le renforcement des institutions et des marchés financiers font que les entreprises françaises auront beaucoup plus d'opportunités", a-t-il fait valoir.
Il y a encore fort à faire cependant. Le 24 juillet, une Assemblée constituante sera élue mais élaborer une nouvelle constitution s'annonce comme "un exercice assez compliqué", a admis le ministre tunisien des Finances, rappelant que 55 partis politiques étaient enregistrés en Tunisie.
M. Ayed a aussi évoqué un "risque inflationniste", même s'il estime qu'il ne va pas se "matérialiser dans un avenir proche", la difficulté de faire revenir "les grandes compétences tunisiennes" expatriées ou la récente révision drastique de la prévision de croissance en raison des troubles qui ont accompagné la chute du régime de Ben Ali.
"Avec un taux de croissance de 5,5% tel qu'il était prévu pour 2011 dans le plan initial, on espérait créer 85.000 emplois, aujourd'hui, avec une prévision de croissance ramenée à moins de 1%, je serais heureux si l'économie pouvait créer 20.000 emplois", a-t-il observé. "La révolution est comme une naissance, c'est très beau mais ça fait mal".
Autre souci: l'éventuel rétablissement temporaire des contrôles aux frontières de l'Union européenne réclamé par Paris et Rome devant l'afflux d'immigrés clandestins tunisiens. Tout en le jugeant "conjoncturel", Mehdi Houas redoute qu'il "n'handicape les relations d'affaires" de la Tunisie avec l'UE.
Parmi les atouts de la Tunisie nouvelle, Jalloul Ayed a cependant cité les mesures prises pour restaurer la confiance des investisseurs comme un programme d'indemnisation "très important" des entreprises saccagées pendant la révolution, ou la reprise des exportations tunisiennes dès le premier trimestre.
"L'objectif essentiel est de préserver les intérêts des investisseurs étrangers", a-t-il martelé.
Un discours généralement bien reçu dans la salle. "La vie quotidienne (en Tunisie) n'est pas encore un long fleuve tranquille mais nous restons optimistes pour l'avenir", a assuré Jean-François Lemoux, directeur général de l'assureur Groupama International.
"Il y a plus d'éthique et de transparence, donc je pense que la croissance va se consolider mais il faut attendre le résultat des élections", a noté pour sa part Faiçal Haffoudhi, directeur général de l'équipementier Alcatel Lucent en Tunisie, pour qui "ces changements ne peuvent être que très bénéfiques".
Pour l'heure, quelque 1.250 sociétés françaises ou francoûtunisiennes sont présentes en Tunisie.