Pour sa première Semaine nationale de l’épargne solidaire, l’association Finansol actionne le levier citoyen et en appelle à « la responsabilité des banquiers », selon les mots de Guillaume Légaut, directeur de Finansol : « Nous proposons à tous les citoyens d’envoyer une carte postale à leur banquier pour dire : moi, dans ce contexte de crise, je souhaite que mon argent finance une économie réelle et humaine, pas une économie spéculative. »
Au-delà de l’argument de responsabilité, l’association affirme que les produits solidaires auraient une bonne capacité de résistance face à la chute boursière, du fait de leur orientation sur des entreprises qui recherchent une croissance réaliste mais durable, loin des 15 % des fonds de pension par exemple.
Pour autant, la finance solidaire a posé, dès son origine, un pied dans les marchés financiers classiques, les produits solidaires faisant aussi appel au marché. Le FCP Faim et développement, créé il y a 25 ans par le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement) et le Crédit coopératif illustre ce mélange, parfois détonnant, de finance et de solidarité.
« Le FCP a été conçu suite à la proposition des congrégations religieuses de placer une partie de leur patrimoine financier au service du CCFD, pour une durée limitée et à la condition qu’il conserve sa valeur », rappelle Geneviève Guénard, membre de l’une de ces congrégations et directrice administrative et financière de l’ONG.
Au départ, le FCP se contente d’investir sur le marché obligataire, hors de toute spéculation. La solidarité du produit réside dans le partage des intérêts annuels. Les congrégations religieuses (90 % de l’encours à l’époque) conservent la part d’intérêt pour combler le taux d’inflation et donnent le reste au CCFD. Mais plutôt que de financer des projets de développement traditionnel, l’association attribue le don à la SIDI (Solidarité internationale pour le développement et l’investissement). Cette filiale du CCFD, est une société d’investissement dédiée aux institutions de microfinance dans les pays du Sud.
Aujourd’hui, Faim et développement dispose d’un encours de 62 millions € et le partage des intérêts a généré près de 1,2 millions € de dons en 2007.
Son système s’est complexifié. Rapidement, le marché obligataire n’a plus suffit à garantir la performance financière. Les actions ont fait leur entrée dans le panier de valeurs ce qui a occasionné une premières année de pertes en 1987, suite au Krak d’octobre 1986.
Diversifier les risques
Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, les épargnants choisissent d’investir dans l’un des trois compartiment du FCP. Le compartiment Trésorerie (fonds obligataire disponible), le compartiment Equilibre (fonds mixte avec 50 % max. en actions) et le compartiment Horizon 2009 (composé d’obligations avec un rendement garantie à échéance). Cet aménagement a permis de diversifier le niveau de risque pour l’épargnant tout en garantissant une base de don régulière.
Le recours aux actions cotées dans le compartiment Equilibre pose la question de l’éthique. Difficile, pour une ONG de développement, d’accepter une ressource si elle provient d’entreprises dénuées de toute responsabilité sociale ou environnementale.
Le portefeuille d’action prend en compte le classement de l’agence de notation extra financière Vigéo et un Comité d’orientation suit la part action du FCP. Le Comité d’orientation (représentants des souscripteurs, le CCFD et d’autres associations comme Terre des Hommes, La Cimade qui ont rejoint les rangs des bénéficiaires des dons) donnent un avis consultatif sur les entreprises qui entrent ou sortent d’Equilibre. La capacité d’ingérence reste pourtant limitée car les investissements en actions sont indirects, via deux SICAV ISR (Epargne Ethique Actions et Natixis ISR Actions). Cela n’a pas empêché « des débats forts avec le Crédit coopératif », se souvient Geneviève Guénard. L’insertion de critères d’exclusion telle que l’armement a été l’objet de longues discussions car le Crédit coopératif privilégie le système de sélection des « Best in class » qui fait appel à des critères positifs. Les ONG ont eu gain de cause finalement.
Les souscripteurs jouent aussi un rôle de veille éthique. Au nombre de 5500, ils sont autant d’entité du contrôle de ce qui est fait de leur argent. Informés régulièrement de l’évolution du panier d’action, « ils nous appellent souvent » pour réagir à l’apparition de telle entreprise ou à des informations négatives sur telle autre", explique Laurence Moret qui s’occupe des produits solidaires et alternatifs au Crédit coopératif. Cet encadrement éthique fait du FCP Faim et développement un « véritable fonds de plaidoyer » se réjouit Geneviève Guénard.