Lundi 6 octobre 2008, en pleine crise financière, le MEDEF et l’AFEP présentaient le code de gouvernement d’entreprise qu’ils demandent aux sociétés cotées d’appliquer. Les deux organisations patronales préconisaient alors la fin des parachutes dorés et la transparence sur la rémunération des dirigeants. Le document est fondé sur 6 principes : l’exhaustivité (la rémunération doit être décidée dans son ensemble – fixe , variable, stock options, retraite supplémentaire, jetons de présence et tout avantage particulier), l’équilibre (chaque élément qui compose la rémunération doit être motivé), le fameux « benchmark » (déterminer la rémunération en fonction du marché, du métier et de l’international), la cohérence (par rapport à l’entreprise, et aux rémunérations des cadres dirigeants et des salariés dans leur ensemble), la lisibilité (la rémunération doit être compréhensible pour les observateurs) et la mesure (la rémunération doit tenir compte de l’intérêt général de l’entreprise, des pratiques du marché et des performances des dirigeants).
Pour Laurence Parisot, ces nouvelles règles sur la rémunération des dirigeants avaient été « décidées sans aucune pression, ni politique, ni médiatique ». La France allait « disposer du code le plus efficace, le plus équilibré et le plus éthique que l’on puisse trouver dans le monde occidental » assurait-elle, avant d’annoncer la convocation d’un « G8 patronal d’ici la fin de l’année pour soumettre ce code aux autres pays et faire face à la crise actuelle ». Janvier 2009 : le G8 n’a pas eu lieu, mais surtout, Nicolas Sarkozy a du menacer de légiférer pour que ces règles volontaires s’appliquent. «Il faut mettre un terme à des pratiques qui ont suscité à raison l'indignation des Français», a-t-il déclaré, jeudi 15 janvier à Vesoul, lors de ses vœux aux «forces économiques» de la Nation. «C'est très simple : soit les recommandations des organisations patronales sont appliquées, et c'est parfait, soit elles ne le sont pas et le gouvernement préparera une loi rendant ces recommandations juridiquement contraignantes», a-t-il indiqué.
En élaborant ce code, les organisations patronales voulaient justement éviter tout projet législatif et ne s’en cachaient pas : « Dans ce domaine, tout le monde sait que la loi est contre-productive (…) La législation nuit à la créativité et aux engagements des chefs d’entreprise », déclarait Laurence Parisot. De fait, ce code a été rapidement adopté par la quasi totalité des grandes entreprises françaises. Selon l’AMF (autorité des marchés financiers), 94% des plus fortes capitalisations françaises de la Bourse de Paris y ont adhéré. 35 sociétés du CAC 40 ont fait part de leur adhésion sans réserve aux recommandations Afep/Medef, dont une société étrangère. Cette adhésion « massive » doit être toutefois relativisée pour le SBF 120. En effet, une étude du cabinet Hewitt Associates réalisée à l’été 2008 révélait que plus de 80 % des dirigeants des sociétés de l'indice SBF 120 bénéficiaient du statut de salarié, pratique interdite par le nouveau code du MEDEF. Par ailleurs, dans 32 % de ces entreprises, « l'empilement d'indemnités diverses » entraîne le dépassement du plafond de 24 mois de rémunération fixé par l'organisation patronale. Enfin, 25% des entreprises qui prévoient une indemnité pour les mandataires sociaux ne précisent pas les conditions de performance, pourtant obligatoires depuis la loi Tepa d'août 2007. La mise en conformité avec le code du MEDEF exige donc, pour ces entreprises, de revoir en profondeur leur fonctionnement en matière de rémunérations…
Pour autant la vérification de la bonne application du code reste une affaire interne. L’AFEP et le MEDEF ont annoncé qu’ils analyseraient les informations publiées. S’ils « constatent qu’une société n’applique pas l’une de ces recommandations sans explication suffisante, ils en saisissent les dirigeants », peut-on lire. Aucune sanction n’est prévue, mais les organisations promettent un rapport public « sur l’évolution du suivi des recommandations » chaque année.
Donnant donnant
En décembre 2008, les 10,5 milliards d’euros du plan de refinancement des banques ont été octroyé à 6 d’entre elles, à condition qu’elles continuer à prêter à leurs clients et qu’elles respectent le code de conduite du MEDEF en matière de rémunérations. Voyant que seuls les dirigeants de BNP Paribas avaient accepté de renoncer à leur bonus, Nicolas Sarkozy a clairement fait savoir que le nouvelle tranche de 10, 5 milliards ne serait octroyée qu’aux banques dont les dirigeants renonceront à leurs « parts variables sur le résultat 2008 » . « C’est bien le minimum que nous attendons d’elles », a-t-il ajouté. La menace a porté : les dirigeants de la Société Générale et du Crédit Agricole ont fait savoir qu’ils renonçaient, finalement, à leurs bonus.
Le MEDEF, lui, estime que cette menace "n'était pas forcément nécessaire". Laurence Parisot a ainsi déclaré sur France-Info que "le geste des dirigeants des banques françaises est un geste de solidarité et je peux vous dire qu'ils s'apprêtaient tous à le faire". "Vous pouvez supprimer tous les bonus, ce n'est pas ça qui va résoudre la crise", a-t-elle ajouté.
En dépit de la position du MEDEF, la même pression gouvernementale vient de s’exercer, par le biais de la ministre de l’Economie Christine Lagarde, auprès des deux constructeurs automobiles français, Renault et PSA Peugeot Citroën , qui recevront une aide exceptionnelle de l’Etat de l’ordre de 5 à 6 milliards d'euros. Pour l’heure, seul Renault a fait savoir que les bonus ne seront pas versés, ceux-ci étant liés à la marge opérationnelle effectuée, dont l'objectif était fixé à 4,5% pour 2008. « Cet objectif n'étant pas atteint, les bonus ne seront pas accordés », a indiqué le groupe.
La difficulté est que le gouvernement n’a pas de moyen de pression sur les secteurs auxquels il n’octroie pas d’aide. Encore que la liste s’étend…puisque que TF1, M6 et Canal + ont demandé de concert au gouvernement le 21 janvier une aide pour le secteur privé audiovisuel.
Véronique Smée