
Comme le soulignait Laurent Joffrin, Directeur de la rédaction de Libération dans un éditorial sur le journalisme citoyen « Dans l’opinion, la presse a mauvaise presse. (…) Le nombre de ceux qui se défient des journalistes dépasse régulièrement les 40 %… Que dirait-on d’une industrie dont 40 % des consommateurs se défient ? Où en serait la construction automobile si plus d’un tiers des conducteurs jugeaient leur véhicule dangereux ? Et les laboratoires pharmaceutiques, si les patients ne croyaient pas dans les médicaments ? ».
Les enjeux développement durable du secteur sont pourtant nombreux. Ils sont répartis sur plusieurs niveaux , suivant le « cycle de vie » des activités, comme pour une entreprise industrielle. D’abord, une entreprise de médias a des impacts environnementaux liés à ses produits. Par exemple, pour une société de presse : consommation de papier, d’encre, transports, « bouillon » (exemplaires imprimés mais non lus). Pour une chaîne de télévision, TF1 qui a réalisé son bilan carbone a eu la surprise de s’apercevoir que son plus gros impact venait de la consommation des téléviseurs de ses téléspectateurs ! Elle a également des impacts liés à ses activités comme toute entreprise : environnementaux avec les émissions de CO2 liés à ses bâtiments et à sa flotte de véhicules, mais aussi à sa politique d’achats (ordinateurs, véhicules de fonction, mobilier, matériel technique, etc.) ou sociaux avec les différents aspects liés à la gestion des ressources humaines dans l’entreprise (égalité des chances, conditions de travail, etc.). Du point de vue social, selon l’agence allemande de notation extra-financière Oekom qui a étudié les 24 plus grands groupes de médias mondiaux cotés en bourse, un des enjeux majeurs est la façon dont ils gèrent leurs pigistes ou free-lance…
Ensuite, comme pour toutes les entreprises, la responsabilité des médias s’étend tout au long de leur supply chain, en particulier en amont, au niveau du financement de la production : concrètement, cela concerne des sujets comme le soutien à la diversité culturelle, la rémunération équitable des auteurs, mais aussi la capacité à faire évoluer leur «business model» en fonction des évolutions technologiques (par exemple, le défi de la gratuité des contenus sur internet, blogs, etc.).
Enfin et surtout, comme le souligne Seb Beloe, directeur de la recherche de l’agence Sustainability*: « La responsabilité des médias ne se mesure pas en terme de tonnes des CO2, mais en terme d’impressions laissées dans les esprits ». Cela concerne aussi bien la qualité et l'intégrité de l’information (choix des contenus, indépendance vis-à-vis des annonceurs ou des actionnaires), que la dimension pédagogique et d’éducation (mise en contexte de l’information, sensibilisation sur des enjeux majeurs comme le développement durable), ou la protection des publics contre des contenus à risque (sexe, violence, etc.).
Des médias peu représentatifs de la société française et peu transparents…
Mais ces enjeux sont encore très peu pris en compte par l’ensemble des médias français. Par exemple, sur un sujet aussi important que la diversité de l’antenne pour les télévisions, le CSA a frappé fort dans un récent rapport. « Non-blancs », classes populaires, femmes, sont sous-représentées, provoquant d’ailleurs une grosse colère du Président Michel Boyon : « Les résultats sont inacceptables, intolérables, pas admissibles ! ». Autre volet à améliorer, la transparence. Une étude menée par les services du Ministère de l’écologie (voir article lié) sur le reporting des médias conclut que « sauf exception, la loi NRE est peu respectée par les entreprises du secteur. Sur un échantillon initial de 57 sociétés cotées (échantillon de l’indice sectoriel SBF 250), seules 32 ont publié un rapport RSE en 2005 ou 2006 et seulement 13 font état d’un impact environnemental ».
*Auteur avec le WWF britannique de l’étude « Through the Looking Glass : corporate responsibility in the media and entertainment sector »