
En France, une étude du Ministère de l'écologie* s'est penchée sur la façon dont les entreprises du secteur des médias et de la publicité avaient intégré le reporting NRE, exigeant des entreprises qu'elles publient des informations sur les impacts sociaux et environnementaux de leurs activités. Le bilan est médiocre : les résultats montrent en effet que, « sauf exception, la loi NRE est peu respectée par les entreprises du secteur ». Sur un échantillon initial de 57 sociétés cotées, seules 32 ont publié un rapport RSE en 2005 ou 2006 et seulement 13 font état d’un impact environnemental. Trois seulement s’acquittent de leurs obligations, et cinq y répondent à minima...On pourrait penser que si les entreprises n’appliquent pas la loi NRE, elles utilisent
d’autres voies pour communiquer sur leurs performances RSE. Or, ce n’est pas le cas : « Parmi les entreprises ne respectant
pas la loi NRE, une seule –Publicis- a tenté de compenser cette lacune par quelques mentions peu précises d’impacts environnementaux ou par des déclarations d’intentions"! regrette l'étude.
Bonnes pratiques britanniques
Une situation à l'opposé des pratiques en vigueur chez plusieurs médias britanniques, dont le Guardian. Un groupe intitulé « The media CSR Forum », rassemblant des entreprises du secteur, a en effet été créé en 2001 (avec la BBC, BSkyB, EMI, The Guardian, ITV, Pearson, Reed Elsevier…) pour travailler sur ces questions et partager les meilleures pratiques. Ce travail et ce partage ont porté leurs fruits puisque les standards des meilleurs rapports des médias britanniques peuvent se comparer à ceux des meilleurs rapports des autres industries habituées depuis longtemps à la transparence du développement durable comme le secteur du pétrole, de la chimie, de l’automobile, etc.
Par exemple, « Airing the issues » le rapport de la chaîne privée ITV (52 pages) est réalisé selon les lignes directrices de la GRI et certifié par un cabinet extérieur. De même, l’excellent rapport du Guardian de 60 pages, « Living our values » est également certifié, de même que celui de la BBC (65 pages).
Bien sûr, tous ces rapports traitent de leur responsabilité spécifique, en tant que médias, à savoir leur contenu. Et ce qui est intéressant, c’est qu’ils arrivent à donner des indicateurs de performance sur ce sujet. Par exemple, The Guardian a réalisé une étude prouvant qu’il avait plus publié qu’aucun autre journal sur le changement climatique dans la dernière décennie. Le journal a aussi demandé à ses lecteurs de noter sa couverture rédactionnelle sur les thèmes du développement durable comme la justice sociale, la biodiversité, etc.
De son côté ITV a calculé le pourcentage de minorités ethniques apparaissant sur ses antennes (13,6 % contre 7,9 % dans la population du Royaume-Uni). Elle a fait la même chose pour les femmes (seulement 41,4% sur les antennes) et pour les personnes handicapées (0,6 % contre 19 % dans la population).
Ces rapports n’hésitent pas non plus à affronter les conflits d’intérêt. Ainsi le rapport du Guardian aborde les critiques de certains lecteurs sur la couverture rédactionnelle des rubriques tourisme ou automobile qui vont parfois dans le sens inverse du développement durable. De même, la question de savoir si certaines publicités « anti-développement durable » doivent être réduites ou interdites est abordée !
Enfin, un « bon » rapport ne saurait oublier les plaintes et pénalités reçues au cours de l’année. Celui d’ITV n’échappe pas à cette règle et explique comment à la suite d’articles dans la presse concernant des irrégularités concernant des votes par SMS lors de certaines émissions, la chaîne a stoppé ces pratiques, demandé un audit à Deloitte et finalement reversé une somme de 7,8 M £ à des œuvres charitables tandis que l’Ofcom, l’organisme de régulation (l’équivalent du CSA), lui imposait une amende de 2M£.
Même si on prend ce qui se fait de mieux en France, on est donc très loin des meilleurs standards anglais. En particulier, un rapport type NRE n’a rien à voir avec un bon rapport développement durable, surtout pour un secteur comme les médias aux enjeux si spécifiques.