
D’emblée, l’étude d’oekom research révèle que les médias britanniques sont les plus avancés en matière d’engagement social et environnemental, la chaîne de télévisions ITV et l’éditeur scientifique Reed Elsevier remportant la meilleure note (un B-), sur une échelle allant de A à D-.
« Une grande majorité des entreprises du secteur se doivent d’élargir leurs palettes de produits et s’éloignent ce faisant de leurs domaines-clés. Ce qui entraîne de nouvelles exigences, » résume Ellen Mayer, analyste responsable des medias chez oekom et auteur de l’étude. Celle-ci relève trois champs de recherche permettant de mesurer l’étendue de la responsabilité sociale et environnementale des grands groupes médiatiques: le contenu médiatique proprement dit, les politiques salariales envers les journalistes indépendants, et la réduction de leur impact environnemental dans la production et la retransmission digitale.
Ce dernier aspect est revendiqué par une large majorité des entreprises analysées, qui déclarent pratiquer une politique d’économie de ressource ainsi que de réduction des déchets. Elle Mayer relève que si un grand nombre de groupes pratiquent une politique de réduction d’impact environnemental, celles-ci divergent quant à l’ampleur des mesures proprement dites. Un point sensible demeure par contre largement ignoré: la responsabilité des groupes médiatiques dans la production de CD et DVD, grande consommatrice de produits chimiques nocifs. Mais ces derniers jugent que la responsabilité en incombe aux industriels du secteur.
En ce qui concerne le contenu, l’étude montre le lien entre contenu de qualité et politique salariale respectueuse des journalistes indépendants, et tout particulièrement l’importance des offres de formation professionnelle. « Un programme de formation de qualité mais aussi le respect de standards sociaux envers les journalistes indépendants et les autres collaborateurs travaillant sous contrats limités revêt de plus en plus d’importance pour mesurer la responsabilité sociale des entreprises », analyse Ellen Mayer. Or, le recours aux journalistes et autres collaborateurs indépendants est devenu une pratique courante pour des groupes soucieux de minimiser leurs coûts. C’est ainsi que l’analyste d’oekom observe un flou problématique entre une information relevant du marketing et celle vraiment indépendante faisant l’objet de recherches. « Etre responsable dans ce cas-là, c’est dresser une ligne claire entre contenu publicitaire et contenu réellement informatif“, note Elle Mayer.
The Guardian, l’exception qui confirme la règle
Face à ce tableau pour le moins mitigé du monde médiatique, le but visé par le groupe - non coté en bourse - britannique The Guardian tranche radicalement : devenir une véritable entreprise de presse durable. Pour ce faire, le groupe a chargé un auditeur social indépendant d’examiner ses politiques salariales et environnementales. Avec pour résultat, entre autre, le déménagement du quotidien dans un immeuble londonien de haute qualité environnementale, la nomination d’un responsable commercial chargé d’orienter les annonces publicitaires vers une consommation responsable, offrir formation professionnelle et couverture de santé à tous les salariés, pratiquer la transparence et l’égalité des salaires, ainsi que d’ouvrir les portes plus grandes pour les candidats issus des minorités.
Toutes ces informations sont publiées dans un rapport accessible à tous et sont validées par l’auditeur social indépendant. Ceci alors que le groupe n’est pas coté en bourse, et n’est donc pas tenu de publier résultats financiers et informations relevant de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Le Guardian, détenteur du quotidien du même nom, reste la propriété d’une fondation, la Scott Trust, lui assurant indépendance financière et éditoriale.
Un sondage du Guardian auprès d’un échantillon de ses lecteurs, du quotidien comme du site internet, montre l’importance que prend la mesure des politiques RSE des grands groupes médiatiques : à la question de savoir si l’information fournie par le quotidien avait une influence sur eux, 89% des lecteurs du Guardian et 77% des lecteurs du site déclaraient avoir changé leurs habitudes après lecture des articles (boycott, réduction des vols, des voyages en voiture, consommer équitable, etc..). Rappelons que la devise du quotidien demeure : « offrir aux gens de l’information et de la connaissance pour devenir des citoyens actifs ».