Le pétrole s'est enfoncé sous le seuil de 60 dollars mardi matin à Londres, touchant 58,38 dollars, son niveau le plus bas depuis février 2007, les opérateurs agissant davantage en fonction de l'ambiance économique générale que des nouvelles propres au marché pétrolier.
En moins de cinq mois, les cours du pétrole ont enregistré la dégringolade la plus spectaculaire de leur histoire: montés au niveau record de 147,50 dollars le baril à Londres, ils ont perdu 60% de leur valeur.
"Vous avez un désengagement massif des fonds de pension et des hedge funds (fonds spéculatifs). On voit ce phénomène dans l'effondrement du nombre de contrats" engagés sur le marché américain du Nymex, a rappelé Harry Tchilinguirian, analyste de la banque BNP-Paribas.
Les fonds d'investissement ont quitté en rangs serrés le marché depuis la fin de l'été tant pour réduire leurs risques que pour trouver des liquidités.
"Ce désengagement est lié à un phénomène plus large de confiance par rapport à l'avenir de l'économie", a ajouté l'analyste en soulignant que les opérateurs se focalisent plus sur les baromètres généraux de la confiance que sur les données propres à l'offre et la demande d'or noir.
Or, le climat économique s'est encore assombri lundi sous le coup d'une série d'indicateurs confirmant l'entrée en récession de l'Europe et sans doute des Etats-Unis. La Commission européenne a indiqué lundi que les quinze pays de la zone euro étaient d'ores et déjà entrés en récession, une première depuis la création de la monnaie unique en 1999.
Aux Etats-Unis, premiers consommateurs mondiaux d'or noir, l'activité industrielle est tombée en octobre à son plus bas niveau en 26 ans, selon l'indice des directeur d'achats ISM publié lundi.
"Beaucoup considèrent cet indice comme un indicateur clé pour la demande de pétrole américaine, qui souffre beaucoup en ce moment", a souligné Michael Davis, de la maison de courtage Sucden.
Mercredi dernier, les statistiques hebdomadaires du département américain à l'Energie avaient ainsi confirmé le recul de la consommation américaine de produits pétroliers, en baisse de de 7,8% sur les quatre dernières semaines sur un an.
Toutefois, souligne Harry Tchilinguirian, "vous n'avez pas un phénomène de contraction de la demande dans les pays émergents", qui restent "caractérisés par des subventions importantes (aux prix des carburants) et par des besoins en infrastructures" massifs.
Focalisé sur les risques pesant sur la demande, le marché semble par ailleurs aveugle aux contraintes pesant sur l'offre. Or, l'offre hors-Opep peine à progresser en raison du manque d'investissements ou de l'épuisement de certains bassins.
La Russie, principale locomotive de la progression de l'offre hors-Opep, voit sa production stagner depuis le début de l'année, tandis que les gisements norvégiens, mexicains et américains s'épuisent à un rythme rapide.
Du côté de l'Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep), la décision de réduire l'offre de 1,5 million de barils par jour à compter du 1er novembre, devrait commencer à faire sentir ses effets.
"Un hiver froid, se conjuguant à de nouvelles réductions de l'offre de l'Opep, pourrait bien inverser la tendance" à la baisse, pronostique Harry Tchilinguirian.